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qu’ils en sortent tout-à-fait & qu’ils ne soient plus sous le rouleau, on relevera les langes sur le rouleau, pour découvrir la feuille de papier qui y a passé avec eux, & prenant la planche encrée & essuyée, comme on l’a prescrit, & l’ayant modérément réchauffée, on la posera par l’envers sur la feuille de papier qui est sur la table, observant de laisser des marges paralleles & égales aux côtés opposés. Sur la planche ainsi placée, on posera une feuille de papier trempé. Le papier trempé, pour la commodité de l’imprimeur, sera sur un ais, au sommet de la presse. Sur la feuille de papier trempé on mettra une feuille de maculature ; on rabattra sur celle-ci les langes, & en tournant le moulinet d’un mouvement doux & uniforme, ce qui est essentiel, le tout sera entraîné entre les rouleaux. La forte pression attachera l’encre dont les tailles de la planche sont chargées, à la feuille de papier trempé, & l’estampe sera tirée. La feuille qu’on aura mise dessous la planche, de même grandeur que la feuille trempée, guidant l’ouvrier, l’estampe sera bien margée. On prend aussi la maculature de même grandeur que la feuille trempée.

L’imprimeur releve ensuite les langes sur le rouleau pour découvrir l’estampe, qu’il enleve de dessus la planche, & qu’il place sur la table, fig. 3. Il recommence ensuite à encrer la planche ; il la replace, & il tire une seconde épreuve, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il ait entierement employé son papier trempé.

On fait quelquefois passer & repasser plusieurs fois la planche entre les rouleaux, sur-tout lorsque le noir a été détrempé avec de l’huile forte. Dans les autres cas, la planche n’y passe qu’une seule fois.

Alors l’imprimeur a deux tables, sur l’une il met les estampes tirées, & sur l’autre celles qui sortent de l’autre côté.

Il arrive encore que l’on pose premierement les langes sur la table ; sur les langes une maculature, ensuite le papier ; sur le papier, la planche gravée ; sur la planche gravée, deux ou trois gros langes, & que tout étant ainsi disposé on tire l’estampe.

On imprime aussi les estampes en plusieurs couleurs. Voyez là-dessus l’article Gravure.

Si la planche est inégale, c’est à-dire plus ou moins épaisse en un endroit qu’en un autre, on met dessous, entre la planche & la table, des morceaux de carton-ou de gros papier déchiré, suivant la forme de ces inégalités, on parvient à rendre par ce moyen la pression égale par-tout.

S’il arrive que les tailles d’une planche soient remplies de noir séché, il faut la faire bouillir dans de la lessive, ou bien poser la planche à l’envers sur deux petits chenets, & couvrir toute sa surface d’environ un doigt d’épaisseur de cendres sassées, tamisées & détrempées avec de l’eau, puis avec de mauvais papier, ou de la paille, faire du feu par-dessous, ensorte que la cendre mouillée soit comme bouillante ; en bouillant elle dissoudra & prendra tout le noir des tailles.

Après cela on jettera de l’eau claire sur la planche, jusqu’à ce qu’on n’y apperçoive aucun vestige de cendres. Si on essuyoit la planche sans cette précaution, on ne manqueroit pas de la rayer.

La planche étant ainsi nettoyée, on la serrera dans un endroit sec.

C’est à l’art d’imprimer, comme nous l’avons dit en commençant cet article, que nous devons la multiplication des chefs-d’œuvres des grands Peintres.

Si les anciens qui connoissoient l’art de graver avoient sû tirer des épreuves de leurs planches, il est vraissemblable qu’ils auroient transporté cette

invention à l’impression des livres ; il n’eût fallu pour cela qu’exercer des écrivains à écrire à rebours une écriture cursive sur des planches vernies ; mais peut-être l’art de forger, laminer & planer les planches de cuivre ; celui de préparer l’eau, leur étoient-ils inconnus. Du moins il paroît que la plûpart des ouvrages en cuivre qui nous sont parvenus d’eux ont été fondus. Si cela est, ceux qui connoissent ces sortes de travaux, jugeront de la difficulté qu’il y auroit eu à préparer, sans le secours des machines modernes, la quantité nécessaire de planches pour former l’édition d’un livre un peu considérable. Avec ce secours même, on emploie rarement la gravure à l’impression de la lettre, à moins qu’il ne s’agisse que de quelques lignes, ou tout au plus de quelques pages.

Imprimerie, on appelle aussi de ce nom le lieu où l’on imprime. Ce lieu ne peut être trop clair ; il doit être solidement bâti : les imprimeries de Paris en général sont tenues dans des endroits fort incommodes, parce qu’un grand espace de terrein de plain pié est fort-rare. Les maîtres Imprimeurs de Paris sont obligés par leurs réglemens de tenir leurs imprimeries dans l’enceinte de l’université.

Imprimerie-royale, (Hist. litt.) elle a été établie par François I. en 1531. Ce prince fit fondre des caracteres hébreux, grecs & latins, dont il confia la garde à Robert Etienne son imprimeur ordinaire, auquel son fils de même nom succéda en 1559.

L’Imprimerie royale fut perfectionnée sous Louis XIII. placée aux galeries du Louvre, & dirigée par Sebastien Cramoisi. Il eut la garde des poinçons, des matrices & de tout ce qui appartient à l’art d’imprimerie. Sebastien Mabre fils d’une de ses filles, lui succéda ; celui-ci mourut en 1687. Sa veuve fut continuée dans sa place.

En 1690 M. de Louvois appella de Lyon Jean Anisson ; dans les provisions expédiées en 1691 à Jean Anisson, il est qualifié de recteur & conducteur de son imprimerie royale, & garde des poinçons, matrices, caracteres, planches gravées, presses & autres ustensiles servant aux impressions.

Jean Anisson céda sa place en 1707 à Claude Rigaud son beau-frere.

Louis Laurent Anisson neveu de Jean Anisson obtint le 19 Mars 1723, la concurrence avec Rigaud ; & la survivance de celui-ci. Rigaud mourut au mois de Juillet suivant.

Le 22 Août 1735 Jacques Anisson du Perron entra en fonction avec Louis Laurent Anisson son frere.

C’est ce dernier qui préside maintenant à l’imprimerie royale qui, de quelque côté qu’on la considere, est une des mieux disposées, des plus occupées, des plus riches, des plus vastes, & des plus belles qu’il y ait au monde.

C’est-là qu’on imprime presque tous les papiers publics qui émanent du ministere.

On y a fait, & on y fait encore des éditions très-précieuses d’auteurs renommés, en toutes langues & en tous caracteres.

Les mémoires des académies, & quelquefois les ouvrages des académiciens s’impriment à l’imprimerie royale.

Lorsqu’il plaît au Roi d’honorer & de gratifier spécialement un auteur, il ordonne l’impression de son ouvrage à son imprimerie, & lui fait présent de son édition.

Quelquefois lorsqu’un ouvrage important est d’une grande exécution & d’une dépense considérable, le Roi, en qualité de protecteur des lettres, s’en charge, & les exemplaires restent entre les mains & à la garde de l’imprimeur du-roi. On en fait des pré-