Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/739

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

miers quartiers, se rétablissoient très-bien & en peu de tems.

6°. De toutes les maladies celles qui m’ont paru répondre avec plus de régularité aux périodes lunaires, sont les maladies cutanées. J’ai été sur-tout frappé d’une teigne, dont j’ai détaillé l’histoire dans le Journal de Médecine, année 1760, mois d’Avril. Elle couvroit tout le visage & la poitrine, occasionnoit des demangeaisons insoutenables, quelquefois des douleurs très-vives pendant la vieille lune, présentoit un spectacle affreux. Tous ces symptomes se soutenoient jusqu’à la nouvelle lune ; alors ils disparoissoient peu-à-peu ; le visage s’éclaircissoit insensiblement, & se dépouilloit de toutes croûtes, qui se desséchoient jusqu’à la vieille lune, où tout recommençoit de nouveau. J’ai été témoin pendant plus de trois mois de cette alternative marquée. J’ai vu la même chose arriver fréquemment dans la gale ; & plusieurs personnes ont observé que la gale augmentoit vers la pleine lune ; que lors même qu’elle étoit guérie, il en reparoissoit vers ce tems-là quelques pustules, qui se dissipoient ensuite périodiquement. Je n’ai point eu occasion de répéter les mêmes observations sur les autres maladies ; je ne doute pas qu’on n’apperçût aussi les mêmes correspondances. C’est un vaste champ ouvert aux observateurs zélés pour l’embellissement & la perfection de la Medecine ; on pourroit constater les observations déjà faites, y en ajoûter d’autres, les pousser plus loin. Il reste encore à déterminer les variétés qui naissent des différentes phases, des conjonctions, des aspects de la lune avec le soleil & les autres astres ; peut-être les différentes maladies ont un rapport plus immédiat avec certaines phases, certaines positions de la lune qu’avec d’autres. Bennet prétend avoir observé que les maladies qu’il croit provenir d’une matiere saline, telles que sont les douleurs, les demangeaisons, les maladies exanthématiques, &c. augmentoient beaucoup pendant les premiers quartiers de la lune, & sur-tout les deux ou trois nuits qui précédoient la nouvelle lune. Ce même auteur assure que pendant la vieille lune, la lymphe & les humeurs s’accumulent dans le corps, parce qu’alors il voit, dit-il, une augmentation sensible dans toutes les maladies séreuses, humorales ; dans la cachexie, l’hydropisie, les fluxions, les catarrhes, asthmes, paralysies, &c. Quelques incomplettes que soient les observations que nous avons sur cette matiere, on peut en déduire ces canons thérapeutiques ; que dans les maladies soumises aux influences de la lune, lorsque la position ou les phases de la lune, sous lesquelles se font les redoublemens, sont prochaines, il faut appliquer quelque remede actif qui puisse prévenir ou calmer l’intensité des symptomes, il faut s’abstenir de tout remede pendant le tems du redoublement. C’est dans le tems de l’intermission qu’il convient de placer les remedes appropriés ; j’ai suivi avec beaucoup de succès cette méthode, dans le traitement de la teigne dont j’ai parlé plus haut. On assure que les médicamens donnés dans les écrouelles sur le déclin de la lune, réussissent beaucoup mieux qu’en tout autre tems ; que dans les affections de la tête, des nerfs, dans l’épilepsie, les malades se trouvent beaucoup soulagés de l’usage des nervins, céphaliques, anti-épileptiques, pendant les changemens de lune. Un illustre medecin de cette ville a eu égard aux périodes de la lune, dans l’administration des remedes pour un épileptique, dont j’ai parlé ci-dessus. Frédéric Hoffman recommande aux calculeux de prendre trois ou quatre bulbes ou gousses d’ail à chaque quartier de la lune. Je ne dois point oublier d’avertir, qu’en rapportant ces observations, en recommandant d’avoir égard aux astres dans l’administration des remedes, je n’ai point prétendu don-

ner des regles invariables, & rigoureusement démontrées,

& dont on ne peut s’écarter sans des inconvéniens très-graves. J’ai eu principalement en vûe d’exciter les medecins à constater ces observations ; & j’ai toujours pensé que dans les cas pressans, & où l’expectation pourroit être nuisible, il falloit peu faire attention si la position des astres étoit salutaire ou nuisible, suivant cette maxime observée chez les anciens, que astra inclinant, non necessitant ; il faudra appliquer la même chose à l’influence des autres planetes dont nous allons parler.

Influence méchanique des autres astres. Ni le raisonnement, ni l’expérience permettent d’attribuer aux étoiles fixes quelqu’action méchanique sur le corps humain ; l’une & l’autre s’accordent au contraire à établir l’influence méchanique des planetes, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter & Saturne. Ces corps célestes, quoique placés à des distances considérables de la terre, peuvent néanmoins exercer sur elle une gravitation réciproque, & la masse des planetes les plus éloignées compense suffisamment leur distance. L’attraction est en raison directe des masses, & en raison inverse des quarrés des distances. Ainsi Jupiter & Saturne, quoique placés dans un prodigieux éloignement, ne doivent pas être censés dépourvus d’action sur la terre, parce qu’ils contiennent en même tems une plus grande quantité de matiere. Lorsqu’une partie de la terre est soumise à l’action directe de deux planetes, il y a lieu de présumer que cette action réunie produira des effets plus sensibles, sans examiner si par la conjonction les deux planetes n’acquierent pas plus de force ; il est aussi très-vraissemblable que ces effets doivent varier suivant la situation, la position, le mouvement & la distance de ces planetes. Je ne serois même pas bien éloigné de croire qu’il y a quelque réalité dans les vertus que les anciens attribuoient aux différens aspects des astres ; il est si souvent arrivé aux modernes d’adopter, engagés par la force de la vérité, des dogmes anciens qu’on avoit ridiculisés peu de tems auparavant, qu’on ne sauroit être assez circonspect à porter un jugement décisif contre quelqu’opinion avant de l’avoir bien approfondie, & d’en avoir bien senti l’impossibilité. On a toujours regardé les aspects de Saturne & de Jupiter, de Saturne & de Mars comme très-mauvais, & annonçant & occasionnant des maladies dangereuses, & la peste même, suivant la remarque de Zeisius ; cette idée ne peut être partie que de quelque observation. La fameuse peste qui parut en 1127, & qui par le grand nombre de morts, dépeupla pour ainsi dire le monde, fut précédée, & selon les astrologues, produite par la conjonction de Jupiter & de Saturne. Boccace & Guy de Chauliac ont écrit que celle qui avoit régné en 1348, devoit son origine à l’aspect de Saturne, Jupiter & Mars. Marsilius Ficinus philosophe célebre, rapporte qu’en 1478 il y eut des éclipses de soleil & de lune ; que Saturne & Mars furent en conjonction, & qu’il y eut une peste terrible. Gaspard Bartholin prédit en conséquence de l’aspect de Mars & de Saturne, d’un hiver chaud, & d’une autonne brûlante, la peste qui ravagea quelques années après toute l’Europe. Paul de Sorbait premier medecin de l’empereur prédit sur le même fondement la peste à Vienne, & l’événement répondit à ses prédictions. Sennert a aussi observé en 1624 & 1637, une dissenterie épidémique à la suite de la conjonction de ces planetes. Voyez Hoffman, Dissertation citée. Les aspects de Jupiter & de Vénus sont censés benins, ceux de Mercure indifférens. Les conjonctions de Vénus & de Jupiter, du Soleil & de Mercure, de Jupiter & de Mercure, sont regardées comme salutaires aux phtisiques, à ceux qui sont dans les fievres lentes. Sous