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fait, il nous a conservé un de ces hymmes, qui méritoit de passer à la postérité, par la sagesse & le bon sens des idées qu’il renferme. « Accordez à vos initiés, disoit cet hymme, une santé durable, une vie heureuse, une longue & saine vieillesse. Détournez de vos initiés les vains phantomes, les terreurs paniques & les maladies contagieuses ». (D. J.)

INJURE, s. f. (Jurisprud.) dans une signification étendue se prend pour tout ce qui est fait pour nuire à un tiers contre le droit & l’équité : quidquid factum injuriâ, quasi non jure factum ; c’est en ce sens aussi qu’on dit, volenti non fit injuria.

Pour que le fait soit considéré comme une injure, il ne suffit pas qu’il soit dommageable à un tiers, il faut qu’il y ait eu dessein de nuire ; c’est pourquoi les bêtes n’étant pas capables de raison, le dommage qu’elles commettent est seulement appellé en droit pauperies, c’est-à-dire dommage ou dégât, & c’est improprement que parmi nous on l’appelle délit.

Injure dans une signification plus étroite, signifie tout ce qui se fait au mépris de quelqu’un pour l’offenser, soit en sa personne, ou en celle de sa femme, de ses enfans ou domestiques, ou de ceux qui lui appartiennent, soit à titre de parenté ou autrement.

Les injures se commettent en trois manieres ; savoir, par paroles, par écrit ou par effet.

Les injures verbales se commettent, lorsqu’en présence de quelqu’un ou en son absence, on profere des paroles injurieuses contre lui, qu’on lui fait quelques reproches outrageans ; que l’on chante des chansons injurieuses pour lui, ou qu’on lui fait quelques menaces de lui faire de la peine, soit en sa personne, ou en ses biens ou en son honneur.

Les injures qui se commettent par écrit sont, lorsque l’on compose ou distribue des chansons, & autres vers & libelles diffamatoires contre quelqu’un. Ceux qui les écrivent ou qui les impriment, peuvent être poursuivis en réparation d’injure.

On peut mettre dans la même classe les peintures injurieuses, qui sont une autre maniere de divulguer les faits, & pour ainsi dire de les écrire. Pline rapporte que le peintre Clexides ayant été peu favorablement reçu de la reine Stratonice, pour se venger d’elle en partant de sa cour, y laissa un tableau dans lequel il la représentoit couchée avec un pêcheur qu’elle étoit soupçonnée d’aimer ; cette peinture étoit beaucoup plus offensante qu’un libelle qu’il avoit écrit contre la reine.

Ces peintures injurieuses sont défendues à l’égard de toutes sortes de personnes. Bouchet rapporte un arrêt qui condamna en des dommages & intérêts un serrurier, pour avoir fait peindre un tableau en dérision de quelques maîtres de son métier.

On commet des injures par effet en deux manieres ; savoir, par gestes & autres actions, sans frapper la personne & sans lui toucher ; ou bien en la frappant de soufflets, de coups de poings ou de piés, de coups de bâton ou d’épée, ou autrement. Les lois romaines veulent que l’on punisse les injures qui sont faites à un homme, en sa barbe, en ses cheveux ou en ses habits ; comme si on lui tire la barbe ou les cheveux, si on lui déchire ses habits, ou si par mépris on jette quelque chose dessus pour les gâter.

Les gestes & autres actions par lesquels on peut faire injure à quelqu’un sans le frapper ni même le toucher, sont, par exemple, si quelqu’un leve la main sur un autre comme pour lui donner un soufflet, ou s’il leve le bâton sur lui pour le frapper ; si étant près d’un tiers il lui montre un gibet ou une rouë, pour faire entendre aux assistans qu’il auroit mérité d’y être attaché ; si en dérision de quelqu’un on lui montroit des cornes, ou si on faisoit quelqu’autres gestes semblables.

Un jeune homme ayant par gageure montré son derriere à un juge de village qui tenoit l’audience, le juge en dressa procès-verbal & decréta le délinquant, lequel fut condamné à demander pardon au juge étant à genoux, l’audience tenante, & à payer une aumône considérable, applicable aux réparations de l’auditoire ; ce qui fait voir que le ministere du moindre juge est toujours respectable.

Il a aussi été défendu aux comédiens & à toutes autres personnes dans les bals, de se servir d’habits ecclésiastiques ou religieux, parce que cela tourneroit au mépris des personnes de cet état & des cérémonies de l’Eglise.

M. Le Bret en ses quest. not. rapporte qu’un homme ayant été pendu en effigie, & la potence s’étant trouvée le lendemain abattue, la partie civile, au lieu de la faire redresser comme on le lui avoit permis, la fit porter par un sergent chez un oncle du condamné, lui signifiant qu’il l’en faisoit gardien comme de biens de justice ; l’oncle s’en étant plaint, il y eut arrêt qui ordonna, que la partie iroit un jour de marché avec un sergent & l’exécuteur reprendre la potence au lieu où ils l’avoient mise en dépôt, avec défenses de récidiver, sous peine de punition corporelle.

Les injures sont légeres ou atroces, selon les circonstances qui les font réputer plus ou moins graves ; une injure devient atroce par plusieurs circonstances.

1°. Par le fait même, comme si quelqu’un a été frappé à coups de bâton ; s’il a été griévement blessé, sur quoi il faut observer que les témoins ne déposent que des coups qu’ils ont vu donner ; mais la qualité des blessures se constate par des rapports de medecins & chirurgiens.

2°. Par le lieu où l’injure a été faite, comme si c’est en un lieu public : ainsi l’injure faite ou dite dans les églises, dans les palais des princes, dans la salle de l’audience, & sur-tout si l’offensé étoit en fonction, est beaucoup plus grave, que celle qui auroit été commise dans un lieu ordinaire & privé.

3°. La qualité de la personne qui a fait l’injure, & la qualité de l’offensé, sont encore des circonstances qui aggravent plus ou moins l’injure ; comme si c’est un pere qui a été outragé par ses enfans, un maître par ses domestiques, un seigneur par son vassal, un gentilhomme par un roturier. Plus l’offensé est élevé en dignité, plus l’injure devient grave ; comme si c’est un magistrat, un duc, un prince, un ecclésiastique, un prélat, &c. Telle injure qui seroit légere pour des personnes viles, devient grave pour des personnes qualifiées.

4°. L’endroit du corps où la blessure a été faite ; comme si c’est à l’œil, ou autre partie du visage.

Les injures qui se font par écrit, sont ordinairement plus graves que celles qui se font verbalement, par la raison que, verba volant, scripta manent.

La loi divine ordonne de pardonner toutes les injures en général.

Les empereurs Théodose, Arcadius & Honorius, défendirent à leurs officiers de punir ceux qui auroient mal parlé de l’empereur ; quoniam, dit la loi, si ex levitate contemnendum, si ex insania miseratione dignissimum, si ab injuria remittendum. Ces empereurs ordonnerent seulement que le coupable leur seroit renvoyé, pour voir par eux-mêmes si le fait méritoit d’être suivi ou seulement méprisé.

Du reste les lois civiles & même canoniques permettent à celui qui est offensé, de poursuivre la réparation de l’injure ; ce qui se peut faire par la voie civile ou par la voie criminelle.

Quoiqu’on prenne la voie civile, l’action en réparation d’injure doit toujours être portée devant le juge criminel du lieu où elle a été faite.