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notre espérance ? Quel bien est préférable ? Mais nous disons aussi sans interrogation, je sais combien coûte ce livre ; j’ignore comment vont nos affaires ; vous comprenez tendent ces discours ; la religion nous enseigne pourquoi nous sommes nés ; ceci nous apprend quand reviendra la paix : chacun devine ce que veut cet homme ; personne ne sait qui a parlé de la sorte ; vous connoissez sur quoi est fondée notre espérance ; cherchons quel bien est préférable.

C’est la même chose en latin, si l’on excepte la seule particule enclitique ne, qu’il faut moins regarder comme un mot, que comme une particule élémentaire, qui ne fait qu’un mot avec celui à la fin duquel on la place, comme audisne ou audin’ ? (entendez-vous) ? Voyez Particule. Elle indique que le sens est interrogatif dans la proposition où elle se trouve ; mais elle ne se trouve pas dans toutes celles qui sont interrogatives : Quò te Mœri pedes ? Quà transivisti ? Quandiù vixit ? An dimicatum est ? &c.

Qu’est-ce qui dénote donc si le sens d’une phrase est interrogatif ou non ?

1°. Dans toutes celles où l’on trouve quelqu’un de ces mots réputés interrogatifs en eux-mêmes, on y reconnoît ce sens, en ce que ces mots mêmes étant conjonctifs, & se trouvant néanmoins à la tête de la phrase construite selon l’ordre analytique, c’est un signe assuré qu’il y a ellipse de l’antécédent, & que cet antécédent est le complément grammatical d’un verbe aussi sous-entendu, qui exprimeroit directement l’interrogation s’il étoit énoncé. Reprenons les mêmes exemples françois, qui feront assez entendre l’application qu’il faudra faire de ce principe dans les autres langues. Combien coûte ce livre ? c’est-à-dire, apprenez-moi le prix que coûte ce livre. Comment vont vos affaires ? c’est-à-dire, dites-moi comment (ou la maniere selon laquelle) vont nos affaires. tendent ces discours ? c’est-à-dire, faites-moi connoître le but où (auquel) tendent ces discours. Il en est de même des autres ; pourquoi veut dire la raison, la cause, la fin pour laquelle ; quand, le tems auquel ; avant que & quoi, on sous-entend la chose ou un autre antécédent moins vague, indiqué par les circonstances ; avant qui, sous-entendez la personne, l’homme, &c. quel, c’est lequel dont on a supprimé l’article à cause de la suppression de l’antécédent qui se trouve pourtant après ; quel bien, c’est-à-dire le bien, lequel bien.

2°. Dans les phrases où il n’y a aucun de ces mots conjonctifs, la langue françoise marque souvent le sens interrogatif par un tour particulier. Elle veut que le pronom personnel qui indique le sujet du verbe, se mette immédiatement après le verbe, s’il est dans un tems simple, & après l’auxiliaire, s’il est dans un temps composé ; & cela s’observe lors même que le sujet est exprimé d’ailleurs par un nom soit simple, soit accompagné de modificatifs : Viendrez-vous ? Avois-je compris ? Serions-nous partis ? Les Philosophes ont-ils bien pensé ? La raison que vous alléguiez auroit-elle été suffisante ? Il faut cependant observer, que si le verbe étoit au subjonctif, cette inversion du pronom personnel ne marqueroit point l’interrogation, mais une simple hypothèse, ou un desir dont l’énonciation explicite est supprimée par ellipse. Vinssiez-vous à bout de votre dessein, pour je suppose même que vous vinssiez à bout de votre dessein. Puissiez-vous être content ! pour je souhaite que vous puissiez être content. Quelquefois même le verbe étant à l’indicatif ou au suppositif, cette inversion n’est pas interrogative ; ce n’est qu’un tour plus élégant ou plus affirmatif : Ainsi conservons nos droits ; en vain formerions-nous les plus vastes projets ; il le fera, dit-il.

3°. Ce n’est souvent que le ton ou les circonstances du discours, qui déterminent une phrase au sens

interrogatif ; & comme l’écriture ne peut figurer le ton, c’est alors le point interrogatif qui y décide le sens de la phrase. (B. E. R. M.)

INTERROGATION, s. f. (Belles-Lettres.) figure de Rhétorique, par laquelle celui qui parle avance une chose par forme de question. L’apostrophe qu’il se fait alors à lui-même ou qu’il fait aux autres, ne donne pas peu de poids & de véhémence à ce qu’il dit. L’orateur peut en plusieurs occasions employer cette figure avec avantage. 1°. Quand il parle d’une chose d’un ton affirmatif, & comme ne pouvant souffrir aucun doute ; 2°. quand il veut montrer les absurdités où l’on tomberoit en entreprenant de combattre ses sentimens ; 3°. lorsqu’il veut démêler les réponses captieuses ou les sophismes de son adversaire ; 4°. quand souvent pressé lui-même, il veut à son tour presser vivement son antagoniste. De ce dernier genre est ce bel endroit de l’oraison de Ciceron pour Ligarius, où il s’adresse avec une impétuosité, pour ainsi parler foudroyante, à l’accusateur Tubéron. Quid enim, Tubero, tuus ille districtus in acie Pharsalicâ gladius agebat ? cujus latus ille mucro petebat ? Qui sensus erat armorum tuorum ? Quæ tua mens ? oculi ? manus ? ardor animi ? Quid cupiebas ? quid optabas ? Il est évident que de pareils traits devoient embarasser un homme qui, ayant porté les armes contre Cesar, faisoit à Ligarius un crime de ce qu’il avoit tenu la même conduite.

Cette figure est très-propre à peindre toutes les passions vives, mais sur-tout l’indignation.

Quoi, Rome & l’Italie en cendres
Me feront honorer Silla ?
J’admirerai dans Alexandre,
Ce que j’abhorre en Attila ?

INTERROGATOIRE, s. m. (Jurisprud.) est un acte qui contient les demandes qu’un juge ou commissaire délégué pour interroger, fait à une partie au sujet de certains faits, & les réponses qui y sont faites par la partie, pour tirer de la bouche de celui qui est interrogé l’éclaircissement de la vérité, & servir de preuve dans la cause, instance ou procès.

Les interrogatoires sont différens des enquêtes & informations, en ce que ce sont les parties que l’on interroge ; au lieu que ce sont les témoins que l’on entend dans une enquête ou information : il est même défendu pour les informations d’y faire d’autre interrogation aux témoins que sur leur nom, surnom, qualité ; & s’ils sont parens, serviteurs ou alliés des parties.

On fait des interrogatoires en matiere civile & en matiere criminelle.

En matiere civile, les interrogatoires s’appellent ordinairement interrogatoires sur faits & articles, lorsqu’ils se font sur des faits & articles signifiés par une partie à l’autre. Il se fait cependant aussi d’autres interrogatoires sur le barreau par le juge aux parties qui se trouvent présentes à l’audience, & surtout dans les jurisdictions consulaires où la procédure est sommaire : lorsque l’on est en doute de la vérité d’un fait articulé en plaidant, les consuls ordonnent que la partie qui n’a pas comparu à l’audience sera ouie par sa bouche, ainsi qu’il est dit en l’article 4 du tit. 16. de l’ordonnance du mois d’Avril 1667.

En matiere criminelle, il y a plusieurs sortes d’interrogatoires ; savoir, le premier interrogatoire qui se fait lorsque l’accusé est decreté ; ceux qui se font dans le cours de l’instruction lorsqu’il y échet, & le dernier interrogatoire qui se fait derriere le barreau ou sur la sellete.

Interrogatoire sur faits & articles, est un acte qui se fait en matiere civile, pour découvrir la vérité des faits articulés par une partie. Ces interrogatoires se