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très-grand rapport : je crois alors fermement que dans tous les siecles & dans tous les lieux la superstition a des droits qui peuvent bien changer de forme, mais qui ne seront jamais entierement détruits.

Il y a dans le mercure de Juin 1688 un discours contre la superstition populaire des jours heureux & malheureux : cela n’est pas étonnant ; mais le singulier, c’est que ce discours est de François Malaval, fameux écrivain mystique, qui donna dans toutes les extravagances du mysticisme. L’esprit humain, tantôt sage, tantôt fou, adopte également l’erreur & la vérité pêle-mêle. Ce Malaval devint aveugle à neuf mois, & mourut en 1719 à 82 ans. (D. J.)

Jours de férie, (Hist. ecclésiastiq.) dies feriales ou feriæ, signifioient chez les anciens des jours consacrés à quelque fête, & pendant lesquels on ne travailloit point, du verbe latin feriari, être oisif, chommer, fêter.

Ce mot a totalement changé d’acception, & signifie présentement les jours de travail, par opposition au dimanche & aux fêtes chommées, comme on voit dans le statut 27 d’Henri VI, chap. v. & dans Fortesme de laudibus leg. Angliæ.

Le pape S. Sylvestre ordonna que sabbati & dominici die retento, reliquos hebdomadæ dies feriarum nomine distinctos, ut jam ante in ecclesia vocari coeperant, appellari. De-là vient que dans les brefs ou calendriers ecclésiastiques, le lundi, mardi, mercredi, jeudi & vendredi sont désignés par les noms de feria prima, secunda, tertia, quarta, quinta & sexta.

Jours maigres, (Théolog.) jours où par un précepte de l’Eglise on ne doit point manger de viande. Voyez Abstinence.

Jours critiques, (Hist. mod.) dies critici. Voyez Critiques.

Jours, (Medecine.) pairs, impairs, principaux, radicaux ou critiques, indices ou indicateurs, intercalaires, vuides, &c. Voyez la doctrine medecinale sur les jours à l’article Crise.

Jour de l’An, (Hist. anc.) ou premier jour de l’année, a fort varié chez différens peuples par rapport au tems de sa célébration, mais il a toujours été en grande vénération.

Chez les Romains le premier & le dernier jour de l’an étoient consacrés à Janus ; ce qui a été cause qu’on le représente avec deux visages.

C’est des Romains que nous tenons cette coutume si ancienne des complimens du nouvel an. Avant que ce jour fût écoulé ils se faisoient visite les uns les autres, & se donnoient des présens accompagnés de vœux réciproques. Lucien parle de cette coutume comme très-ancienne, & la rapporte au tems de Numa. Voyez Etrennes, Vœux, &c.

Ovide a cette même cérémonie en vûe dans le commencement de ses fastes :

Postera lux oritur, linguisque anin sque favete :
Nunc dicenda bono sunt bona verba die.

Et Pline plus expressément liv. XXVIII, chap. j. Primum anni incipientis diem lætis precationibus invicem faustum ominantur.

Jours Alcyoniens, (Hist. anc.) phrase que l’on trouve souvent dans les auteurs pour exprimer un tems de paix & de tranquillité.

Cette expression tire son origine d’un oiseau de mer, que les Naturalistes appellent alcyon, & qui, selon eux, fait son nid vers le solstice d’hiver, pendant lequel le tems est ordinairement calme & tranquille.

Les jours alcyoniens, suivant l’ancienne tradition, arrivent sept jours avant & sept jours après le solstice d’hiver ; quelques-uns appellent ce tems-là l’été de S. Martin ; & le calme qui regne dans cette saison engage les alcyons à faire leur nid & à couver

leurs œufs dans les rochers qui sont au bord de la mer.

Columella appelle aussi jours alcyoniens le tems qui commence au 8 des calendes de Mars, parce qu’on observe qu’il regne pour lors un grand calme sur l’océan atlantique.

Jours, Grands-Jours, (Jurisp.) ou Hauts-Jours, étoient une espece d’assise extraordinaire, ou plûtôt une commission pour tenir les plaids généraux du roi dans les provinces les plus éloignées.

Il ne faut pas s’imaginer que ces sortes d’assises ayent été ainsi nommées parce qu’on les tenoit dans les plus longs jours de l’année, car on les tenoit plusieurs fois l’année & en différens tems ; on les appella grands jours, pour dire que c’étoit une assise extraordinaire où se traitoient les grandes affaires.

Les grands-jours royaux furent établis pour juger en dernier ressort les affaires des provinces les plus éloignées, & principalement pour informer des délits de ceux que l’éloignement rendoient plus hardis & plus entreprenans ; on les tenoit ordinairement de deux en deux ans.

Ils étoient composés de personnes choisies & députées par le roi à cet effet, tels que les commissaires appellés missi dominici, que nos rois de la premiere & de la seconde race envoyoient dans les provinces pour informer de la conduite des ducs & des comtes, & des abus qui pouvoient se glisser dans l’administration de la justice & des finances contre l’ordre public & général.

Les grands-jours les plus anciens qui ayent porté ce nom, sont ceux que les comtes de Champagne tenoient à Troyes ; & ce fut à l’instar de ceux-ci que les assemblées pareilles qui se tenoient au nom du roi furent aussi nommées grands-jours.

La séance même du parlement, lorsqu’il étoit encore ambulatoire, étoit nommé grands-jours. Les parlemens de Toulouse, Bordeaux, Bretagne, & quelques autres tenoient aussi leurs grands-jours.

Depuis que les parlemens ont été rendus sédentaires, les grands-jours n’ont plus été qu’une commission d’un certain nombre de juges tirés du parlement pour juger en dernier ressort toutes affaires civiles & criminelles par appel des juges ordinaires des lieux, mêmes les affaires criminelles en premiere instance.

Les derniers grands-jours royaux sont ceux qui furent tenus en 1666 à Clermont en Auvergne, & au Puy en Velai pour le Languedoc.

Nos rois accorderent aux princes de leur sang le droit de faire tenir des grands-jours dans leurs appanages & pairies ; mais l’appel de ces grands-jours ressortissoit au Parlement, à moins que le roi ne leur eût octroyé spécialement le droit de juger en dernier ressort.

Plusieurs seigneurs avoient aussi droit de grands-jours, où l’on jugeoit les appellations interjettées des juges ordinaires, des crimes qui se commettoient par les baillifs & sénéchaux & autres juges dépendans du seigneur. Ces grands jours seigneuriaux ont été abolis par l’ordonnance de Roussillon, qui défend à tout seigneur d’avoir deux degrés de jurisdiction en un même lieu : quelques pairs en font cependant encore assembler, mais ils ne jugent pas en dernier ressort.

Nous allons donner quelques notions sommaires des grands-jours dont il est le plus souvent mention dans les ordonnances & dans les histoires particulieres.

Grands-jours d’Angers ou du duc d’Anjou, étoient pour l’appanage du duc d’Anjou ; ils furent accordés par Charles V. à Louis son frere, duc de Tours & d’Anjou, avec faculté de les tenir, soit à Paris ou dans telle ville de ses duchés qu’il voudroit.