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sans faire à leur honneur une derniere joûte, qu’ils nommoient la lance des dames, & cet hommage se répétoit en combattant pour elles à l’épée, à la hache d’armes & à la dague.

Les joûtes passerent en France des Espagnols, qui prirent des Maures cet exercice, & l’appellerent juego de canas, le jeu de cannes, parce que dans le commencement de sa premiere institution dans leur pays, ils lançoient en tournoyant, des cannes les uns contre les autres, & se couvroient de leurs boucliers pour en parer le coup. C’est encore cet amusement que les Turcs appellent lancer le gerid ; mais il n’a aucun rapport avec les jeux troyens de la jeunesse romaine. Voyez Troyens (Jeux).

Le mot de joûte vient peut-être de juxta à cause que les joûteurs se joignoient de près pour se battre. D’autres le dérivent de justa, qui est le nom qu’on a donné, dit-on, dans la basse latinité à cet exercice ; on peut voir le Glossaire de Ducange au mot justa, car ces sortes d’étymologies ne nous intéressent guere, il nous faut des faits. (D. J.)

Joûte, (Maréchal.) combat à cheval avec la lance ou l’épée.

JOUTEREAUX, s. m. (Marine.) ce sont deux pieces de bois courbes, posées parallelement à l’avant du vaisseau pour soutenir l’éperon, & qui répondent d’une herpe à l’autre, dont elles font l’assemblage.

Joutereaux de mâts, ce sont deux pieces de bois courbes que l’on attache au haut du mât, de chaque côté, pour soutenir les barres de hune. (Z)

JOUX, (Géogr. & Hist. nat.) c’est le nom d’une chaîne de montagnes, d’une vallée & d’un lac du pays de Vaud, dans le canton de Bern en Suisse.

Le mont-joux, mons Jovius ou mons Jovis ; c’est une portion du mont Jura. Le mont Jura est une longue chaîne de montagnes, qui s’étend depuis le Rhin près de Bâle jusqu’au Rhône à 4 lieues au-dessous de Genève. Cette chaîne est tantôt plus tantôt moins élevée ; elle a aussi plus ou moins de largeur : enfin elle prend dans cette étendue différens noms particuliers. Le long du Rhône, c’est le grand Credo ; c’est le mont saint Claude, entre la Franche-Comté & le Bugey ; c’est le mont-Joux ou le mont de Joux vers les sources du Dain & du Doux en Franche-Comté ; c’est aussi les monts de Joux dans le bailliage de Romainmotier du canton de Berne, frontiere du comté de Bourgogne ; c’est Pierre-Pertuis, Petra pertusa dans l’évêché de Bâle. La montagne y a été percée par les Romains ; on y voit encore une inscription qui en fait foi. C’est par-là qu’on entre dans le Munsterthal, ou la vallée de Montier Gran-val. Tirant plus loin du côté de Bâle & de Soleure, le mont Jura est appellé Botzberg ; je ne m’arrête qu’aux dénomitions les plus générales. Autrefois toute cette chaîne séparoit le royaume de Bourgogne en Bourgogne cisjurane & transjurane : aujourd’hui elle sépare la Suisse de la Franche-Comté & du Bugey.

Dans cette partie du mont Jura du comté de Bourgogne, qui porte aussi le nom de mont-joux, est une petite ville avec un château à une lieue de Pontarlier. Sept lieues plus loin vers le midi il y a encore un village du même nom de Joux, avec un abbaye & un lac.

Le mont-Joux dans le bailliage de Romainmotier a de même donné le nom à un lac & à une vallée. Là le mont Jura s’élargit considérablement ; il forme trois vallées qui se communiquent par des gorges : celle de Joux est la plus grande & la plus élevée, d’où on passe à celle de Vanillon, & de-là à celle de Valorbes qui est la plus basse. La partie la plus basse de la vallée de Joux est occupée par un lac de deux lieues de longueur, sur demi-lieue dans sa plus grande largeur. Toute la vallée a plus de quatre lieues de

longueur, & environ deux de largeur. Le lac a vers son extrémité un étranglement comme un canal, où l’on a placé un long pont de bois : le lac s’élargit de nouveau ; ce qui forme un autre bassin, qu’on nomme le petit lac. De l’extrémité du pont s’éleve une montagne qui forme une nouvelle vallée du côté de la Franche-Comté ; cette vallée s’appelle le Lieu, d’un village de ce nom. Là est un troisieme lac qui n’est qu’un grand étang, qu’on appelle lacter, peut être de lacus tortici ; cet étang paroît communiquer par des souterrains au lac de Joux. Une riviere entre dans celui-ci ; c’est l’Orbe qui vient du lac des Rousses ; grand nombre de ruisseaux y tombent aussi de toutes parts. L’abbaye est un gros village qui est presque au milieu de la vallée. A une portée de canon de ce lieu-là on voit sortir du pié d’un rocher une petite riviere qui coule avec rapidité, & va se jetter dans le lac ; elle a dix piés de largeur sur deux piés de profondeur. Malgré cette quantité d’eau qui entre sans cesse dans le lac, aucune riviere n’en sort extérieurement ; mais on voit des bouches au fond de l’eau en divers endroits, où l’eau s’engouffre & se perd : les paysans appellent ces trous des entonnoirs, & ils sont attentifs qu’ils ne se bouchent pas. Il paroît qu’une partie de cette eau coule par-dessous diverses montagnes du côté de l’Iles dans le bailliage de Morges : le principal des entonnoirs est à l’extrémité du petit lac, à une demi-lieue du pont. Dans cet endroit on a construit des moulins que l’eau, dans sa chute, avant que de se perdre dans les fentes des rochers, fait tourner : les moulins sont bâtis au-dessous du niveau du lac dans un grand creux qu’il y a dans le rocher.

Quoiqu’il n’y ait aucun fruit dans cette vallée, elle est très-agréable & très-riante en été. Il y croît de l’orge & de l’avoine ; les pâturages y sont fort bons ; le lac est abondant en poissons ; le pays est très peuplé. Il y a trois grandes paroisses, composées chacune d’un village principal & de plusieurs hameaux, l’Abbaye, le Chenit & le Lieu.

Saint Romain & saint Lupicin ou saint Loup, deux freres, dont Grégoire de Tours a écrit la vie, se retirerent au bord d’un ruisseau appellé le Noson ; ils y vécurent comme hermites. Saint Loup abandonna le Noson pour aller au-dessus de la Sarra sur un rocher, près duquel coule une source soufrée qui fait de bons bains. Dans le lieu où étoit resté l’aîné des freres, on bâtit un hospice, puis un couvent sous le nom de Romani monasterium, d’où l’on a fait Romain-motier, qui est aujourd’hui une petite ville avec un bailliage le mieux renté du pays de Sand. Le prieur de Romainmotier fit bâtir sur la fin du xiv. siecle, l’abbaye sur les bords du lac de Joux.

A une lieue de l’abbaye sur la montagne, du côté du pays de Sand, on voit un grand trou large d’un douxieme de pié ; il communique perpendiculairement à une caverne très-profonde, où l’on entend des eaux souterraines couler avec bruit. Du côté opposé, c’est-à dire du côté de la Franche-Comté, on voit aussi au milieu des bois un trou semblable, mais au-dessous duquel on n’entend point de bruit d’eau courante.

On ne doute point que l’eau du petit lac qui s’échappe vers les moulins, n’aille former au-dessous dans la vallée de Valorbe, la riviere de l’Orbe, qui sort toute formée d’un rocher à demi-lieue du village de Valorbes. Cette source a au moins seize piés de largeur, sur trois de profondeur.

On peut conclure de-là & de l’inspection des lieux qu’il ne seroit pas impossible de couper au-travers des rochers un canal pour vuider les lacs : ce seroit gagner du large dans un pays très-serré & très-peuplé.

Les habitans de cette vallée sont ingénieux & industrieux. On y trouve de bons horlogers, des ser-