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velles îles ne paroissent jamais qu’auprès des anciennes, & qu’on n’a point d’exemple qu’il s’en soit élevé de nouvelles dans les hautes mers. On doit donc regarder le terrein où elles sont, comme une continuation de celui des îles voisines ; & lorsque ces îles ont des volcans, il n’est pas étonnant que le terrein qui en est voisin, contienne des matieres propres à en former, & que ces matieres viennent à s’enflammer, soit par la seule fermentation, soit par l’action des vents soûterrains.

Au reste, les îles produites par l’action du feu & des tremblemens de terre sont en petit nombre, & ces évenemens sont rares ; mais il y a un nombre infini d’îles nouvelles produites par les limons, les sables, & les terres que les eaux des fleuves & de la mer entraînent & transportent à différens endroits. A l’embouchure de toutes les rivieres il se forme des amas de terre & des bans de sable, dont l’étendue devient souvent assez considérable pour former des îles d’une grandeur médiocre. La mer en se retirant & en s’éloignant de certaines côtes, laisse à découvert les parties les plus élevées du fond, ce qui forme autant d’îles nouvelles ; & de même en s’étendant sur de certaines plages, elle en couvre les parties les plus basses, & laisse paroître les parties les plus élevées qu’elle n’a pû surmonter, ce qui fait encore autant d’îles ; & on remarque en conséquence qu’il y a fort peu d’îles dans le milieu des mers, & qu’elles sont presque toutes dans le voisinage des continens où la mer les a formées, soit en s’éloignant, soit en s’approchant de ces différentes contrées. Tout cet article est entierement tiré de l’histoire naturelle de M. de Buffon, tome I. page 536 & suivantes.

Les îles proprement dites, different, ou par leur situation, ou par leur grandeur. A l’égard de leur situation, il y en a dans l’océan, dans les fleuves, les rivieres, & même dans les lacs & les étangs.

Pour ce qui est de leur grandeur, elles different extrêmement les unes des autres. Quelques îles sont assez grandes pour contenir plusieurs états, comme la Grande Bretagne, Ceylan, Sumatra, Java. Quelques unes forment un seul royaume, comme la Sicile, la Sardaigne, &c. D’autres ne renferment qu’une ville, avec un territoire médiocre, comme quantité d’îles de l’Archipel, de la Dalmatie, &c. D’autres n’ont qu’un petit nombre d’habitations dispersées ; d’autres enfin sont sans habitans.

Il y a des îles qui paroissent avoir été toujours telles, il y en a d’autres qui ont commencé à paroître dans les lieux de la mer où elles n’étoient pas auparavant ; d’autres ont été détachées du continent, soit par des tremblemens de terre, soit par les grands efforts de la mer, soit par l’industrie & par le travail des hommes. Il est certain qu’il se forme de tems en tems des îles nouvelles, non seulement par des attérissemens, comme celle de Tsongming à la Chine, dans la province de Nanking, ou par des coups de mer qui ont séparé des morceaux du continent, comme les anciens ont prétendu que la Sicile & peut-être la Grande-Bretagne ont été formées ; mais il y en a même qui sont sorties de dessous les flots comme autrefois Santorin, & depuis les trois nouvelles îles qui se sont formées tout près d’elle, & c’est sur quoi on peut voir les mém. des missions du Levant, imprimes en 1715.

On est présentement assuré que le continent que nous habitons, & où se trouvent l’Europe, l’Asie & l’Afrique, est une grande île que la mer environne de toutes parts ; on pourra dire sans doute la même chose de celui qu’on appelle le Nouveau Monde, lorsque l’on aura pénétré au nord & à l’ouest de la baie de Hudson : jusques-là on ignore quelles sont les limites septentrionales de ce continent. Les

Arabes, faute d’avoir un mot particulier pour exprimer une presqu’île, donnent le nom d’îles à toutes les péninsules.

Les terres Arctiques, que l’on croyoit être un pays continu, sont vraissemblablement de grandes îles, dont on ne sait pas encore le nombre & l’étendue. La Californie, que l’on prenoit au contraire pour une île, est une partie du continent. Ce que l’on avoit crû être le commencement d’un grand continent, au midi de l’Amérique, s’est trouvé n’être qu’une île assez vaste, environnée d’autres petites îles.

On peut compter dix ou douze îles de la premiere grandeur : savoir en Europe, la Bretagne, l’Islande, la Nouvelle Zemble ; en Afrique, Madagascar ; en Asie, Niphon, Manilles ou Luçon, Bornéo, Sumatra ; en Amérique, Terre-neuve & la Terre de feu.

On compte ordinairement dix autres îles de différentes grandeurs : savoir dans la mer Méditerranée Européenne, la Sardaigne, la Sicile, Candie ; dans l’Océan, l’Irlande ; en Asie, Java, Ceylan, Mindanas, Célebes ; en Amérique, Cuba, Saint-Domingue.

Il y a d’autres îles auxquelles on peut donner le surnom de moindres, parce qu’elles ne sont pas si grandes que les précédentes ; comme l’île Zéland en Dannemarc ; la Corse, Négrépont, Majorque, Chypre, dans la mer Méditerranée Européenne ; Gilolo, Timor, Amboine, en Asie ; la Jamaïque, en Amérique, dans la mer du Nord ; l’île Isabelle, l’une des îles de Salomon, dans la mer du Sud.

Le nombre des petites îles est presque infini ; on peut dire qu’elles sont innombrables, avec d’autant plus de vérité que l’on est encore bien éloigné de connoître toutes les mers. Il y reste à découvrir beaucoup de côtes, dont nous ignorons les détails, pour ne point parler de celles qui nous sont inconnues ; on pourroit cependant faire trois classes de ces petites îles. La premiere seroit de celles qui, quoique seules & indépendantes des autres, ne laissent pas d’avoir de la célébrité ; telles sont, dans la mer Baltique, Aland, Bornholm, Falster, Fune, &c. dans la mer Méditerranée, Rhode, Minorque, Corfou, Malte, Chio, Cérigo, Ivica, Céphalonie, &c. dans l’océan Atlantique, entre l’Afrique & le Brésil, Sainte-Hélene, l’Ascension & Saint-Thomé ; près du détroit de Gilbraltar, Madere ; & en Afrique, à l’entrée de la mer Rouge, Zocotora.

La seconde classe comprendroit les îles que l’on connoît sous un nom général, quoique la plûpart ayent chacune un nom particulier : les principales sont les Westernes, au couchant de l’Ecosse ; les Orcades, au nord de l’Ecosse ; les îles de Schetland, au nord-est des Orcades ; les Açores, dans la mer du Nord ; les Canaries, les îles du Cap-verd, dans la mer Atlantique ; les îles de l’Archipel, dans la Méditerranée ; les Lucayes & les Antilles, dans la mer du Nord ; les Maldives, les Moluques, les Philippines, le Japon, les Mariannes, dans la mer des Indes & dans l’Océan oriental ; les îles de Salomon, dans la mer du Sud.

La troisieme classe contiendroit les îles des fleuves & des rivieres ; comme celle du Nil, du Niger, de Gambie, en Afrique ; de l’Indus, du Gange & autres, en Asie ; du fleuve de Saint-Laurent, du Mississipi, de l’Orénoque, de l’Amazone, en Amérique ; enfin celles de nos rivieres d’Europe dans le Pô, le Danube, le Rhône, la Seine, &c. les lacs d’Irlande, d’Ecosse, ont quantité d’îles ; le lac de Dambée en Ethiopie, en a aussi plusieurs.

Il y a des îles artificielles ; & presque toutes les places fortes, dont les fossés sont remplis des eaux d’une riviere, sont en ce sens de véritables îles Am-