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autres, sont les kermès femelles, sur lesquelles les petites mouches marchent, montent & joignent leur derriere au leur, vraissemblablement pour en féconder les œufs. On a d’autant plus lieu de se le persuader, que les gros insectes, après avoir passé quelque tems avec des petites mouches, se couvrent bientôt de duvet, & font des œufs au bout de quelques jours ; au lieu que ceux qui n’ont point eu de commerce avec les petites mouches, restent presque nuds ; ou s’ils prennent un peu de duvet, ils ne parviennent point à pondre. Les petits, peu de jours après être nés, se fixent sur quelque nouvelle racine de knawel, s’y nourrissent & y croissent.

Telle est en peu de mots l’histoire du kermès de Pologne, depuis le tems où il paroît sous la forme d’une boule, logé en partie dans un calice jusqu’au tems où le petit, sorti de l’œuf, songe à son tour à pulluler. M. Frisch est le premier qui a parlé de la transformation du progallinsecte, des racines de knawel en mouche ; mais M. Breynius a rectifié cette idée trop générale, & a donné l’histoire précise de cet insecte singulier, dans une dissertation latine, jointe a l’appendix des actes des curieux de la nature, année 1733 ; & cette dissertation est ornée de figures qui paroissent faites avec soin. Nous y renvoyons les lecteurs.

On ignore si le kermès de Pologne a, comme la cochenille du Mexique, la propriété de se conserver, au lieu que nous sommes sûrs de la conservation de la cochenille du Méxique, pendant plus d’un siecle. Les insectes, mangeurs de cadavres d’insectes, ne veulent point de celui-ci ; peut être n’en seroit-il pas de même du kermès de Pologne. On l’employoit autrefois pour teindre en rouge ; c’étoit pour ainsi dire la cochenille du Nord ; on y en faisoit des récoltes ; mais ces recoltes moins abondantes, plus difficiles que celles de la véritable cochenille, & qui donnent une drogue moins bonne pour la teinture, ont été tellement abandonnées, que bien-tôt nous n’en connoîtrons plus l’usage que par les écrits des savans.

C’est du-moins ce qui est arrivé à bien d’autres matieres animales, qui servoient autrefois à la teinture de pourpre, comme aussi aux insectes de la racine de pimprenelle, du lentisque, de la pariétaire, du plantain & de la piloselle, dont on ne parle plus. Le seul kermès du Languedoc se recueille encore, parce qu’on l’a anciennement introduit dans deux préparations de médecine, qui, quoique très-médiocres en vertu, subsistent toujours d’après les vieux préjugés. Nous ne manquons pas en Pharmacie d’exemples pareils ; toutes les préparations galéniques sont de ce nombre. (D. J.)

Kermès, (Mat. med. & Pharmacie.) coque de kermès, & plus communément graine de kermès.

On prépare en Languedoc un suc ou sirop de kermès, de la maniere suivante : on mêle trois parties de sucre avec une partie de coques de kermès écrasées, on garde ce mêlange pendant un jour dans un lieu frais ; le sucre s’unit pendant ce tems au suc de kermès, forme avec ce suc une liqueur, qui, étant passée & exprimée, a la consistance de sirop. Cette composition est envoyée en grande quantité à Paris & dans les pays étrangers.

On nous apporte aussi du même pays les coques de kermès nouvelles & bien mures, dont on prépare quelquefois une conserve, suc ou sirop de kermès, de la maniere suivante : pilez des graines de kermès dans un mortier de marbre, gardez-les dans un lieu frais perdant sept à huit heures, pour que le suc se dépure par une légere fermentation ; exprimez & gardez encore le suc pendant quelques heures, pour qu’il acheve de s’éclaircir par le repos ; versez la liqueur par inclination ; mêlez-la avec deux parties

de sucre, & faites évaporer à un feu doux, jusqu’à la consistance d’un sirop épais.

Les apoticaires de Paris préparent rarement ce sirop ; ils préferent avec raison celui qu’on apporte de Languedoc. C’est avec l’un ou l’autre de ces sirops, qu’on prépare la célebre confection alkermès. Voyez l’article Confection.

Les semences de kermès, données en substance, depuis un demi-scrupule, jusqu’à un gros, ont acquis beaucoup de célébrité dans ces derniers tems contre l’avortement. Geoffroy assûre, dans sa matiere médicale, d’après sa propre expérience, que plusieurs femmes, qui n’avoient jamais pû porter leurs enfans à terme, étoient heureusement accouchées au bout de neuf mois, sans accident, après avoir pris, pendant tout le tems de leur grossesse, les pilules suivantes :

Prenez graine de kermès récente en poudre, & confection d’hyacinte, de chacun un gros ; germes d’œufs dessechés & réduits en poudre un scrupule ; sirop de kermès, suffisante quantité ; faites une masse de pilules pour trois doses ; on donnera à six heures de distance l’une de l’autre, c’est-à-dire en douze heures, avalant par dessus chaque dose un verre de bon vin avec de l’eau, ou d’une eau cordiale convenable.

La graine de kermès en substance, est fort célebre encore pour rétablir & soutenir les forces abattues, sur tout dans l’accouchement difficile, à la dose d’un gros jusqu’à deux. Le sirop est employé au même usage à la dose d’une ou de deux onces.

L’un & l’autre de ce remede passe pour stomachique, tonique & astringent ; les anciens ne lui ont connu que cette derniere propriété.

Quelques auteurs ont attribué à la graine de kermès une qualité corrosive, capable d’entamer la membrane intérieure des intestins ; Geoffroy prétend que cette imputation n’est point fondée.

La poudre de graine sechée de kermès, entre dans la confection alkermès, dans la confection d’hiacinthe, dans la poudre contre l’avortement ; le sirop entre dans les pilules de Becher. (b)

Kermès minéral, (Chimie & Mat. médicale.) Prenez une livre de bon antimoine crud que vous concasserez grossierement ; mettez-la avec quatre onces de liqueur de nitre fixé dans une cafetiere de terre vernissée ; versez par-dessus une pinte d’eau de pluie, & faites bouillir le tout pendant deux heures ; filtrez ensuite la liqueur toute bouillante ; reversez sur l’antimoine, qui est resté dans la cafetiere, une autre peinte d’eau de pluie, & trois onces de liqueur de nitre fixé ; faites bouillir de nouveau perdant deux heures, & filtrez comme la premiere fois ; ajoûtez après cela deux onces de liqueur de nitre fixé, & une pinte d’eau de pluie, à ce qui reste dans la cafetiere ; faites bouillir pour la troisieme & derniere fois pendant deux autres heures ; après quoi, filtrez la liqueur, & la mêlez avec les précédentes ; laissez le tout en repos, pour donner lieu à la précipitation qui se fera d’une poudre rouge ; la précipitation finie, décantez la liqueur qui surnage le précipité ; faites passer ensuite, à différentes reprises, de l’eau chaude sur ce précipité, jusqu’à ce qu’il soit insipide ; laissez-le bien égouter sur le filtre ; faites-le sécher, & lorsqu’il sera bien sec, brûlez de l’eau-de-vie une ou deux fois ; faites-le secher de nouveau, & vous aurez ce qu’on appelle le kermès minéral, ou la poudre des chartreux.

La description que l’on vient de donner de la maniere de préparer le kermès minéral, est celle qui fut publiée par ordre du roi en 1720, lorsque M. le régent en eût fait, au nom de S. M. l’acquisition du sieur de la Ligerie, chirurgien, qui est celui qui a fait connoître ce remede en France. Il est nommé