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à Montbard en un an ; & à combien peut-on estimer le produit de ce commerce par année commune. Rép. Il sera fort aisé de donner une juste idée de ce commerce, par la combinaison que voici. On compte à Montbard trente métiers à lacets, que je réduis à vingt-quatre, parce qu’il y en a une cinquieme partie que l’on ne fait pas ouvrer continuellement, chaque métier, s’il étoit en bonne main, pourroit fournir jusqu’à dix grosses de lacets par jour, il en fournit ordinairement huit ; mais je restrains le produit de chaque métier à six grosses par jour seulement, à cause du desœuvrement qui peut être occasionné ; des trois cens soixante-cinq jours dont l’année est composée, j’en retranche quatre-vingt pour les fêtes, & trente pour différens cas de cessation des ouvrages : il reste donc 255 jours de travail, lesquels à raison de six grosses pour chacun, doivent rendre pour un métier quinze cens trente grosses en un an, il s’ensuit que vingt-quatre métiers doivent fournir par an trente-six mille sept cens vingt grosses de lacets d’une aune de long, que l’on peut estimer vingt sols l’une parmi l’autre : d’où il résulte que ce commerce peut s’estimer à trente-six mille sept cens vingt livres par an, que nous réduisons à trente-six mille livres pour éviter les fractions dans le détail que nous allons présenter des différentes parties de consommation de matieres & de produit industriel ; mais pour mieux distinguer tout ce qui profite à l’industrie, je dois observer que pour une livre de fil il faut une livre & demie de chanvre, qui vaut communément quatre sols la livre, le frotteur en fait une livre de filasse, dont la façon coûte trois sols, & cette filasse produit une livre de fil, dont le filage coûte cinq sols ; ensorte que dans les quinze sols que coûte une livre de fil, il y a pour six sols de matiere & pour neuf sols de façon.

Détail du commerce des lacets. Matieres. Industrie.
Chanvre, 7200 liv.
Façon de le frotter, 4050 liv.
Plus de le filer, 6750
Blanchissage du fil, 1500
Drogues pour la teinture, 1200
Devidage du fil, 600
Façon de tourner les lacets, 1800
Fer blanc, 3600
Façon de le couper, 300
Façon de le plier & de l’appliquer, 1800
Profit clair des fabriquans, 7200


12000 l. 24000 l.

On peut conclure de ce détail que les deux tiers du commerce de lacets tourne au profit de l’industrie des habitans de Montbard pour une moitié, & pour l’autre au profit des villages circonvoisins, où se fait le frottage du chanvre, le filage & le blanchissage du fil. (c)

Lacet, en terme de Boyaudier, c’est une petite corde qui tient à une cheville, à laquelle on attache un bout du boyau qu’on veut retordre.

Lacets, (Chasse.) ce sont plusieurs brins de crin de cheval cordelés ensemble ; il s’en fait de fil de soie ou de fil de fer.

LACETANI, s. m. pl. (Géogr. anc.) ancien peuple d’Espagne. Pline, liv. III. ch. iij. & Tite-Live, liv. XXI. chap. lx. en parlent. Les Lacetani & les Jaccetani de ce dernier historien répondent à une partie du diocèse de Lérida, & à une partie de la nouvelle Catalogne. Voyez le P. Briet & Sanson. (D. J.)

LACHE, adj. (Gramm.) c’est l’opposé de tendu. Une corde est lâche si elle paroît fléchir en quelqu’endroit de sa longueur ; tendue, si elle ne paroît fléchir en aucun point de sa longueur, C’est l’opposé

de ferme, & le synonyme de mol ; une étoffe est lâche si elle a été mal frappée ; ferme, si elle est bien fournie de trame. C’est l’opposé d’actif ; un animal est lâche, lorsqu’il se meut nonchalamment & foiblement. C’est l’opposé de serré ; coudre lâche, c’est éloigner ses points, & les faire longs & mous. C’est l’opposé de resserré ; on a le ventre tâche. C’est au figuré l’opposé de brave ; c’est un lâche. Il est synonyme à vile & honteux ; il a fait une action lâche. Celui qui a fait une lâcheté est communément plus méprise que celui qui a fait une atrocité. On aime mieux inspirer de l’horreur que faire pitié. La trahison est peut-être la plus lâche de toutes les actions. Un style est lâche lorsqu’il est chargé de mots inutiles, & que ceux qu’on a employés ne peignent point l’idée fortement.

Lache, (Maréchalerie.) cheval lâche, La méthode pour réveiller un cheval naturellement lâche, sourd & paresseux, est de l’enfermer dans une écurie très-obscure, & de l’y laisser durant un mois ou six semaines, sans l’en faire sortir, & de lui donner à manger tant qu’il veut. On prétend que cette maniere de gouverner un cheval lâche, l’éveille & le rend propre à l’exercice. Si on n’en vient pas à bout par-là, il faut avoir recours à la chambriere, à la houssine & à la voix ; & si ces aides ne l’animent & ne le réveillent point, il faut le bannir entierement du manege, car c’est un tems perdu que de l’y garder plus long-tems.

Lache, (Ourdisserie.) se dit de tout ouvrage qui est peu frappé, & par conséquent mal fabriqué, surtout si c’est quelque ouvrage qui demande essentiellement à être frappé. On entend encore par ce mot tout ce qui est lâche dans les soies de la chaîne pendant le travail, au lieu de la tension égale où tout doit être en droit soi.

LACHER, v. act. (Gramm.) c’est abandonner à elle-même une chose retenue par un obstacle. On lâche en écartant l’obstacle. On lâche une pierre & elle tombe. On lâche la corde d’une grue & le poids descend. On lâche un robinet & l’eau coule. On lâche un coup de pistolet, ce qui suppose qu’il étoit armé. On lâche tout sous soi, ce qui suppose une foiblesse dans les intestins ; on lâche un chien après un lievre ; on lâche le mot qui nous démasque ; on lâche prise ; on lâche le pié ; on lâche sa proie ; on lâche la bride ; on lâche la mesure ; on lâche la balle ; on lâche l’autour ; on lâche la main, lorsqu’on vend une chose au-dessous de son prix.

Lacher la main à son cheval, (Manege.) c’est le faire courir de toute sa vîtesse. Lâcher la gourmette, c’est l’accrocher au premier maillon lorsqu’elle serre trop le menton du cheval au second. Voyez Gourmette. Lâcher la bride, c’est pousser un cheval, ou le laisser aller à sa volonté.

LACHES, (Ornith.) Voyez Harengades.

LACHESIS, s. f. (Myth.) Lachesis en latin comme en grec ; une des trois parques. C’est, selon Hésiode, Lachésis qui tient la quenouille ; c’est Clotho qui file les commencemens de la vie ; & c’est Atropos qui tient en main les fatals ciseaux pour couper le fil de nos jours Cependant les Poëtes confondent sans difficulté ces fonctions, & font quelquefois filer Lachésis, comme a fait Juvenal, lib. I. sat. 3. v. 27. en disant, dùm super est Lachesis quod torqueat, pendant que Lachésis a encore de quoi filer, pour dire pendant que nous vivons encore. Lachésis est un mot grec, qui signifie sort, de λαγχάνω, sortior, je tire au sort. Le système des Poëtes sur les parques est un des plus ingénieux & des plus féconds en belles images ; il leur a fourni mille pensées brillantes ou philosophiques, qu’on ne peut se lasser de lire dans leurs écrits. Voyez Parques. (D. J.)

* LACHETÉ, subst, f, (Morale.) Voy. Lache.