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gard de l’imposition foraine aux généraux des finances.

Cet édit fut adressé & vérifié au parlement ; mais comme les droits de l’imposition n’étoient point de sa compétence, l’arrêt d’enregistrement porte, lectâ publicatâ & registratâ, in quantum tetigit domanium, domini nostri regis audito procuratore generali.

Cette reserve ou forme d’enregistrement, se trouve dans plusieurs arrêts de vérification de cette cour ; ce qui prouve l’union & la fraternité qui regnoit entre ces deux cours également souveraines.

Le même roi Henri II. ayant institué en 1551 de nouveaux officiers & maîtres des ports, pour éviter la confusion dans la perception des droits de domaine forain & d’imposition foraine, établit des bureaux dans les différentes provinces du royaume.

Ces bureaux, dont le plus grand nombre tirent leur origine de cet édit, si l’on excepte celui de Paris, furent successivement connus sous le nom de bureaux des traites, à la reserve des trois qui sont connus par distinction sous le nom de douanne, soit par leur situation ou leur ancienneté, qui sont les bureaux des douannes de Paris, Lyon, & Valence.

L’on prétend que le nom de douanne, vient d’un terme bas-breton doen, qui signifie porter ; parce que l’on transporte dans ces bureaux toutes sortes de marchandises.

Les maîtres des ports furent confirmés dans leurs fonctions & établissement sous Louis XIV. par un édit du mois de Mars 1667, & furent indistinctement dénommés maîtres des ports, ou juges des traites.

Mais ce même prince, après avoir établi par ses ordonnances de 1680 & 1687, une jurisprudence certaine pour la perception des droits qui composent les fermes générales des gabelles, aydes, entrées, & autres y jointes, dont la connoissance appartient aux élus en premiere instance, & par appel à la cour des aydes, fixa & détermina pareillement des maximes concernant la perception des droits de sortie & d’entrée sur les marchandises & denrées par son ordonnance du mois de Février 1687, contenant 13 titres, dont le douzieme attribue la compétence & la connoissance de tous différends civils & criminels, concernant les droits de sortie & d’entrée, & ceux qui pourroient naître en exécution de ladite ordonnance, aux maîtres des ports & juges des traites en premiere instance, & par appel aux cours des aydes de leur ressort.

Cette même ordonnance prescrit aux juges la forme de procéder tant en premiere instance que sur l’appel. (A)

JUGEMENT, s. m. (Métaphysique.) puissance de l’ame, qui juge de la convenance, ou de la disconvenance des idées.

Il ne faut pas confondre le jugement avec l’accord successif des connoissances que procurent les sens, indépendamment des facultés intellectuelles ; car le jugement n’a aucune part dans ce qui est apperçu & discerné par le seul effet des sensations. Lorsque nous buvons séparément du vin & de l’eau, les impressions différentes que ces deux liqueurs font sur notre langue, suffisent pour que nous les distinguions l’une de l’autre. Il en est de même des sensations que nous recevons par la vûe, par l’ouie, par l’odorat ; le jugement n’y entre pour rien.

Nous ne jugeons pas, lorsque nous appercevons que la neige est blanche, parce que la blancheur de la neige se distingue par la simple vûe de la neige. Les hommes & les bêtes acquierent également cette connoissance par le seul discernement, sans aucune attention, sans aucun examen, sans aucune recherche. Le jugement n’a pas plus lieu dans les cas où l’on est déterminé par sensation à agir, ou à ne pas

agir. Si nous sommes, par exemple, placés trop près du feu, la chaleur qui nous incommode nous porte, ainsi que les bêtes, à nous éloigner, sans la moindre délibération de l’esprit.

Le jugement est donc une opération de l’ame raisonnable ; c’est un acte de recherche, par lequel après avoir tâché de s’assurer de la vérité, elle se rend à son évidence. Pour y parvenir, elle combine, elle compare ce qu’elle veut connoître avec précision. Elle pese les motifs qui peuvent la décider à agir, ou à ne pas agir. Elle fixe ses desseins ; elle choisit les moyens qu’elle doit préférer pour les exécuter.

On estime les choses sur lesquelles il s’agit d’établir son jugement, en appréciant leur degré de perfection ou d’imperfection, l’état des qualités, la valeur des actions, des causes, des effets, l’étendue & l’exactitude des rapports. On les compte par les regles du calcul ; on les mesure en les comparant à des valeurs, à des quantités, ou à des qualités connues & déterminées.

Cependant comme la faculté intellectuelle que nous appellons jugement, a été donnée à l’homme, non-seulement pour la spéculation, mais aussi pour la conduite de sa vie, il seroit dans un triste état, s’il devoit toûjours se décider d’après l’évidence, & la certitude d’une parfaite connoissance ; car cette évidence étant resserrée dans des bornes fort étroites, l’homme se trouveroit souvent indéterminé dans la plûpart des actions de sa vie. Quiconque ne voudra manger qu’après avoir vu démonstrativement qu’un tel mets le nourrira sans lui causer d’incommodité ; & quiconque ne voudra agir, qu’après avoir vu certainement que ce qu’il doit entreprendre sera suivi d’un heureux succès, n’aura presque autre chose à faire, qu’à se tenir en repos ou à périr d’inanition.

S’il y a des choses exposées à nos yeux dans une entiere évidence, il y en a un beaucoup plus grand nombre, sur lesquelles nous n’avons qu’une lumiere obscure, & si je puis ainsi m’exprimer, un crépuscule de probabilité. Voilà pourquoi l’usage & l’excellence du jugement se bornent ordinairement à pouvoir observer la force ou le poids des probabilités ; ensuite à en faire une juste estimation ; enfin, après les avoir pour ainsi dire toutes sommées exactement, à se déterminer pour le côté qui emporte la balance.

Les personnes qui ont le plus d’esprit & le plus de mémoire, n’ont pas toûjours le jugement le plus solide & le plus profond : j’entends par esprit, l’art de joindre promptement les idées, de les varier, d’en faire des tableaux qui divertissent & frappent l’imagination. L’esprit en ce sens est satisfait de l’agrément de la peinture, sans s’embarrasser des regles severes du raisonnement. Le jugement au contraire, travaille à approfondir les choses, à distinguer soigneusement une idée d’avec une autre, & à éviter qu’une infinité ne lui donne le change.

Il est vrai que souvent le jugement n’émane pas de si bons principes ; les hommes incapables du degré d’attention qui est requis dans une longue suite de gradations, ou de différer quelque tems à se déterminer, jettent les yeux dessus à vue de pays, & supposent, après un leger coup d’œil, que les choses conviennent ou disconviennent entre elles.

Ce seroit la matiere d’un grand ouvrage, que d’examiner combien l’imperfection dans la faculté de distinguer les idées, dépend d’une trop grande précipitation naturelle à certains tempéramens, de l’ignorance, du manque de pénétration, d’exercice, & d’attention du côté de l’entendement, de la grossiereté, des vices, ou du défaut d’organes, &c. Mais il suffit de remarquer ici, que c’est à se représenter nettement les idées, & à pouvoir les distinguer exa-