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depuis long-tems précautionnés contre ces pertes, en marquant dans les registres publics non seulement l’époque & les circonstances de toutes les décourvertes, mais encore en y ajoutant le dessein des bas-relief & des statues, & la copie des inscriptions qu’on a successivement déterrées. Un pareil plan devroit être suivi dans toutes les villes de l’Europe, qui se vantent de quelque antiquité, ou qui peuvent tirer quelque avantage de ces sortes de monumens.

Gruter, Reynesius, le P. Vignier jésuite, & Gautherot dans son histoire de la ville de Langres, qu’il a intitulé, l’Anastase de Langres, tirée du tombeau de son antiquité, ont, à la vérité, rassemblé plusieurs inscriptions de cette ville, mais ils ne les ont pas toujours lues ni rapportées avec exactitude ; & pour Gautherot en particulier, ses recherches sont aussi mal digérées que peu judicieuses.

L’academie royale des belles-lettres de Paris a expliqué quelques-unes des inscriptions, dont nous parlons, dans le tome V. de son histoire, & cela d’après des copies fideles qu’elle en a reçues de M. l’évêque de Langres. On desireroit seulement qu’elle eût étendu ses explications sur un plus grand nombre de monumens de cette cité.

En effet, une de ces inscriptions nous apprend qu’il y eut dans cette ville une colonie romaine ; une autre nous confirme ce que César dit de la vénération que les Gaulois avoient pour Pluton, & de leur usage de compter par nuits, au lieu de compter par jours ; une troisieme nous instruit qu’il y a eu pendant long-tems dans cette ville un théâtre public, & par conséquent des spectacles réglés ; une quatrieme nous fait connoître que la famille des Jules avoit de grande possessions à Langres, ou aux environs ; une cinquieme nous certifie qu’il partoit de cette capitale des peuples de la Gaule celtique, appellés Lingones, beaucoup de chemins pavés, & construits en forme de levées, qui conduisoient à Lyon, à Toul, à Besançon, pour aller de celle-ci aux Alpes. De tels monumens ne sont pas indignes d’être observés ; mais il faut dire un mot de la position de Langres.

Elle est située sur une haute montagne, près de la Marne, aux confins des deux Bourgognes, à 14 lieues N. O. de Dijon, 25 S. E. de Troyes, 40 S. E. de Reims, 63 N. E. de Paris. Long. suivant Cassini, 22d. 51′. 30″. lat. 47. 51.

Julius Sabinus, si connu par sa revolte contre Vespasien, & plus encore par la beauté, le courage, la tendresse, la fidélité & l’amour conjugal de sa femme Epponina, étoit natif de Langres. Il faut lire dans les Mémoires de l’acad. des insc. t. IX. les aventures également singulieres & attendrissantes de cette illustre dame & de son mari. M. Secousse en a tiré toute l’histoire de Tacite & de Plutarque ; c’est un des plus beaux morceaux de celle des Gaules, par les exemples de vertus qu’elle présente, & par la singularité des évenemens. Il a été écrit ce morceau peu de tems après la mort tragique de Sabinus & d’Epponina, par les deux anciens auteurs que nous venons de nommer, par Tacite, Hist. l. IV. n°. 55. & par Plutarque, In amator, p. 770. leur témoignage, dont on prise la fidélité, ne doit laisser aucun doute sur les circonstances mêmes qui paroissent les plus extraordinaires.

Langres moderne a produit plusieurs gens de lettres célebres, & tous heureusement ne sont pas morts ; mais je n’en nommerai qu’un seul du siecle passé, M. Barbier d’Aucourt, parce que c’est un des meilleurs sujets que l’academie francoise ait jamais eu.

Barbier d’Aucourt (Jean) étoit d’une famille pauvre, qui ne put lui donner aucun secours pour ses

études ; mais son génie & son application y suppléerent. Il est connu par ses malheurs, par sa défense du nommé le Brun, accusé faussement d’avoir assasiné la dame Mazel, dont il étoit domestique, & par les sentimens de Cléanthe sur les entretiens d’Ariste & d’Eugene, critique vive, ingénieuse, délicate & solide ; le P. Bouhours tenta de la faire supprimer, & ses démarches en multiplierent les éditions. Barbier d’Aucourt fut ami de Mrs de Port royal, & composa plusieurs écrits contre les Jésuites qu’il haïssoit. Il mourut fort pauvre on 1694, dans sa 53e année. « Ma consolation, (dit-il aux députés de l’academie, qui vinrent le visiter dans sa derniere maladie, & qui lui parurent attendris de le trouver si mal logé,) « Ma consolation, répéta-t-il, & ma très-grande consolation, c’est que je ne laisse point d’héritiers de ma misere ».

LANGUE, s. f. (Anatom.) corps charnu, mollet, capable d’une infinité de mouvemens, & situé dans la cavité de la bouche.

La langue y occupe en devant l’intervalle de toute l’arcade du bord alvéolaire de la machoire inférieure ; & à mesure qu’elle s’étend en arriere, elle y devient plus épaisse & plus large.

On la distingue en base, en pointe, en face supérieure qu’on nomme le dessus, en face inférieure qu’on appelle dessous, & en portions latérales ou bords.

La base en est la partie postérieure, & la plus épaisse ; la pointe en est la partie antérieure & la plus mince ; la face supérieure est une convéxité plate, divisée par une ligne enfoncée superficiellement, appellée ligne médiane de la langue ; les bords ou côtés sont plus minces que le reste, & un peu arrondis, de même que la pointe ; la face inférieure n’est que depuis la moitié de la longueur de la langue jusqu’à sa pointe.

La langue est étroitement attachée par sa base à l’os hyoïde, qui l’est aussi au larynx & au pharynx ; elle est attachée par-devant le long de sa face inférieure par un ligament membraneux, appelle le frein ou filet, enfin elle est attachée à la machoire inférieure, & aux apophyses styloïdes des os temporaux au moyen de ses muscles.

La membrane, qui recouvre la langue & qui est continue à celle qui revêt toute la bouche, est parsemée le long de sa face supérieure de plusieurs éminences que l’on nomme les mamelons de la langue, & que l’on regarde communément comme l’extrémité des nerfs qui se distribuent à cette partie ; cependant il y en a qui paroissent plutôt glanduleux que nerveux ; tels sont ceux qui se remarquent à la base de la langue, & qui sont les plus considérables par leur volume ; ils ont la figure de petits champignons, & sont logés dans les fossettes superficielles. M. Winstow les regarde comme autant de glandes salivaires.

Les seconds mamelons sont beaucoup plus petits, peu convexes, & criblés de plusieurs trous ; ils occupent la partie supérieure, antérieure, & surtout la pointe de la langue ; ce sont des especes de gaînes percées, dans lesquelles se trouvent les houpes nerveuses qui constituent l’organe du goût.

Les mamelons de la troisieme espece sont formés par de petits cônes très-pointus, semés parmi les autres mamelons ; mais on ne les apperçoit pas dans la surface latérale intérieure de la langue.

Toutes ces diverses especes de mamelons sont affermies par deux membranes ; la premiere est cette membrane très-fine, qui tapisse la bouche entiere ; sous cette membrane est une enveloppe particuliere à la langue, dont le tissu est plus serré. Quand on l’enleve, elle paroît comme un crible, parce qu’elle est arrachée de la circonférence des ma-