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& reconnoissant la vérité des miracles de Saint Philippes, il donna les mains à cette vérité, & se fit chrétien dans l’espérance de se rendre plus redoutable, & d’être admiré par des prodiges réels & plus éclatans que ceux qu’il avoit faits. Ce fut là tellement le but de sa conversion, qu’il offrit aussitôt de l’argent pour acheter le don des miracles.

Simon le magicien alla aussi à Rome, & y séduisoit comme ailleurs par divers prestiges. L’empereur Neron étoit si passionné pour la magie, qu’il ne l’étoit pas plus pour la musique. Il prétendoit par cet art, commander aux dieux mêmes ; il n’épargna pour l’apprendre ni la dépense ni l’application, & toutefois il ne trouva jamais de vérité dans les promesses des magiciens ; en sorte que son exemple est une preuve illustre de la fausseté de cet art. D’ailleurs personne n’osoit lui rien contester, ni dire que ce qu’il ordonnoit fût impossible. Jusques-là qu’il commanda de voler à un homme qui le promit, & fut long-tems nourri dans le palais sous cette espérance. Il fit même représenter dans le théatre un Icare volant ; mais au premier effort Icare tomba, près de sa loge, & l’ensanglanta lui-même. Simon, dit-on, promit aussi de voler, & de monter au ciel. Il s’éleva en effet, mais Saint Pierre & Saint Paul se mirent à genoux, & prierent ensemble. Simon tomba & demeura étendu, les jambes brisées ; on l’emporta en un autre lieu, où ne pouvant souffrir les douleurs & la honte, il se précipita d’un comble très-élevé.

Plusieurs savans regardent cette histoire comme une fable, parce que selon eux, les auteurs qu’on cite pour la prouver, ne méritent point assez de créance, & qu’on ne trouve aucun vestige de cette fin tragique dans les auteurs antérieurs au troisieme siecle, qui n’auroient pas manqué d’en parler si une avanture si étonnante étoit réellement arrivée.

Dosithée étoit Juif de naissance ; mais il se jetta dans le parti des Samaritains, parce qu’il ne put être le premier dans les deutéroses, (apud Nicetam, lib. I. cap. xxxv.). Ce terme de Nicetas est obscur ; il faut même le corriger, & remettre dans le texte celui de Deuterotes. Eusebe (prap. lib. XI. cap. iij. lib. XII. cap. j.) a parlé de ces deuterotes des Juifs qui se servoient d’énigmes pour expliquer la loi. C’étoit alors l’étude des beaux esprits, & le moyen de parvenir aux charges & aux honneurs. Peu de gens s’y appliquoient, parce qu’on la trouvoit difficile. Dosithée s’étoit voulu distinguer en expliquant allégoriquement la loi, & il prétendoit le premier rang entre ces interpretes.

On prétend (épiph. pag. 30.) que Dosithée fonda une secte chez les Samaritains, & que cette secte observa 1°. la circoncision & le sabbat, comme les Juifs : 2°. ils croyoient la résurrection des morts ; mais cet article est contesté, car ceux qui font Dosithée le pere des Saducéens, l’accusent d’avoir combattu une vérité si consolante. 3°. Il étoit grand jeûneur ; & afin de rendre son jeûne plus mortifiant, il condamnoit l’usage de tout ce qui est animé. Enfin s’étant enfermé dans une caverne, il y mourut par une privation entiere d’alimens, & ses disciples trouverent quelque tems après son cadavre rongé des vers & plein de mouches. 4°. Les Dosithéens faisoient grand cas de la virginité que la plûpart gardoient ; & les autres, dit Saint Epiphane, s’abstenoient de leurs femmes après la mort. On ne sait ce que cela veut dire, si ce n’est qu’ils ne défendissent les secondes nôces qui ont paru illicites & honteuses à beaucoup de Chrétiens ; mais un critique a trouvé par le changement d’une lettre, un sens plus net & plus facile à la loi des Dosithéens, qui s’abstenoient de leurs femmes lorsqu’elles étoient grosses, ou lorsqu’elles avoient enfanté.

Nicetas fortifie cette conjecture, car il dit que les Dosithéens se séparoient de leurs femmes lorsqu’elles avoient eu un enfant ; cependant la premiere opinion paroît plus raisonnable, parce que les Dosithéens rejettoient les femmes comme inutiles, lorsqu’ils avoient satisfait à la premiere vûe du mariage, qui est la génération des enfans. 5°. Cette secte entêtée de ses austérités rigoureuses, regardoit le reste du genre humain avec mépris ; elle ne vouloit ni approcher ni toucher personne. On compte entre les observations dont ils se chargeoient, celle de demeurer vingt-quatre heures dans la même posture où ils étoient lorsque le sabat commençoit.

A-peu-près dans le même tems vivoit Menandre le principal disciple de Simon le magicien : il étoit Samaritain comme lui, d’un bourg nommé Cappareatia ; il étoit aussi magicien ; en sorte qu’il séduisit plusieurs personnes à Antioche par les prestiges. Il disoit, comme Simon, que la vertu inconnue l’avoit envoyé pour le salut des hommes, & que personne ne pouvoit être sauvé s’il n’étoit baptisé en son nom ; mais que son baptême étoit la vraie résurrection, en sorte que ses disciples seroient immortels, même en ce monde : toutefois il y avoit peu de gens qui reçussent son baptême.

Colonie des Juifs en Egypte. La haine ancienne que les Juifs avoient eue contre les Egyptiens, s’étoit amortie par la nécessité, & on a vû souvent ces deux peuples unis se prêter leurs forces pour résister au roi d’Assyrie qui vouloit les opprimer. Aristée conte même qu’avant que cette nécessité les eût réunis, un grand nombre de Juifs avoit dejà passé en Egypte, pour aider à Psammétichus à dompter les Ethyopiens qui lui faisoient la guerre ; mais cette premiere transmigration est fort suspecte. 1°. Parce qu’on ne voit pas quelle relation les Juifs pouvoient avoir alors avec les Egyptiens, pour y envoyer des troupes auxiliaires. 2°. Ce furent quelques soldats d’Ionie & de Carie, qui, conformément à l’oracle, parurent sur les bords de l’Egypte, comme des hommes d’airain, parce qu’ils avoient des cuirasses, & qui prêterent leur secours à Psammetichus pour vaincre les autres rois d’Egypte, & ce furent là, dit Herodote (lib. II. pag. 152.) les premiers qui commencerent à introduire une langue étrangere en Egypte ; car les peres leur envoyoient leurs enfans pour apprendre à parler grec. Diodore (lib. I. pag. 48.) joint quelques soldats arabes aux Grecs ; mais Aristée est le seul qui parle des Juifs.

Après la premiere ruine de Jérusalem & le meurtre de Gedalia qu’on avoit laissé en Judée pour la gouverner, Jochanan alla chercher en Egypte un asile contre la cruauté d’Ismael ; il enleva jusqu’au prophete Jérémie qui reclamoit contre cette violence, & qui avoit prédit les malheurs qui suivroient les réfugiés en Egypte. Nabuchodonosor profitant de la division qui s’étoit formée entre Apries & Amasis, lequel s’étoit mis à la tête des rebelles, au lieu de les combattre, entra en Egypte, & la conquit par la défaite d’Apries. Il suivit la coutume de ces tems-là, d’enlever les habitans des pays conquis, afin d’empêcher qu’ils ne remuassent. Les Juifs refugiés en Egypte, eurent le même sort que les habitans naturels. Nabuchodonosor leur fit changer une seconde fois de domicile ; cependant il en demeura quelques-uns dans ce pays-là, dont les familles se multiplierent considérablement.

Alexandre le Grand voulant remplir Alexandrie, y fit une seconde peuplade de Juifs auxquels il accorda les mêmes privileges qu’aux Macédoniens. Ptolomée Lagus, l’un de ses généraux, s’étant emparé de l’Egypte après sa mort, augmenta cette colonie par le droit de la guerre ; car voulant joindre