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femme, même après la mort de celle-ci.

7°. Il faut observer exactement dans les mariages les degrés de parenté & d’affinité.

8°. C’est une idolâtrie que d’adorer les anges, le ciel, & les astres ; & il n’en faut point tolérer les représentations.

Enfin, leur morale est fort pure ; ils font sur-tout profession d’une grande tempérance ; ils craignent de manger trop, ou de se rendre trop délicats sur les mets qu’on leur présente ; ils ont un respect excessif pour leurs maîtres ; les Docteurs de leur côté sont charitables, & enseignent gratuitement ; ils prétendent se distinguer par-là de ceux qui se font dieux d’argent, en tirant de grandes sommes de leurs leçons.

De la secte des Pharisiens. Origine des Pharisiens. On ne connoît point l’origine des Pharisiens, ni le tems auquel ils ont commencé de paroître. Josephe qui devoit bien connoître une secte dont il étoit membre & partisan zelé, semble en fixer l’origine sous Jonathan, l’un des Machabées, environ cent trente ans avant Jesus-Christ.

On a crû jusqu’à présent qu’ils avoient pris le nom de séparés, ou de Pharisiens, parce qu’ils se séparoient du reste des hommes, au-dessus desquels ils s’elevoient par leurs austérités. Cependant il y a une nouvelle conjecture sur ce nom : les Pharisiens étoient opposés aux Sadducéens qui nioient les récompenses de l’autre vie ; car ils soutenoient qu’il y avoit un paras, ou une remunération après la mort. Cette récompense faisant le point de la controverse avec les Sadducéens, & s’appellant Paras, les Pharisiens purent tirer de-là leur nom, plutôt que de la séparation qui leur étoit commune avec les Pharisiens.

Doctrine des Pharisiens. 1°. Le zele pour les traditions fait le premier crime des Pharisiens. Ils soutenoient qu’outre la loi donnée sur le Sinaï, & gravée dans les écrits de Moïse, Dieu avoit confié verbalement à ce législateur un grand nombre de rits & de dogmes, qu’il avoit fait passer à la postérité sans les écrire. Ils nomment les personnes par la bouche desquels ces traditions s’étoient conservées : ils leur donnoient la même autorité qu’à la Loi, & ils avoient raison, puisqu’ils supposoient que leur origine étoit également divine. J. C. censura ces traditions qui affoiblissoient le texte, au lieu de l’éclaircir, & qui ne tendoient qu’à flatter les passions au lieu de les corriger. Mais sa censure, bien loin de ramener les Pharisiens, les effaroucha, & ils en furent choqués comme d’un attentat commis par une personne qui n’avoit aucune mission.

2°. Non-seulement on peut accomplir la Loi écrite, & la Loi orale, mais encore les hommes ont assez de forces pour accomplir les œuvres de surérogation, comme les jeûnes, les abstinences, & autres dévotions très-mortifiantes, auxquelles ils donnoient un grand prix.

3°. Josephe dit que les Pharisiens admettoient non-seulement un Dieu créateur du ciel & de la terre, mais encore une providence ou un destin. La difficulté consiste à savoir ce qu’il entend par destin : il ne faut pas entendre par-là les étoiles, puisque les Juifs n’avoient aucune dévotion pour elles. Le destin chez les Payens, étoit l’enchaînement des causes secondes, liées par la vérité éternelle. C’est ainsi qu’en parle Ciceron : mais chez les Pharisiens, le destin signifioit la providence & les decrets qu’elle a formés sur les évenemens humains. Josephe explique si nettement leur opinion, qu’il est difficile de concevoir comment on a pû l’obscurcir. « Ils croyent, dit-il, (antiq. jud. lib. XVIII. cap. ij.) que tout se fait par le destin ; cependant ils n’ôtent pas à la volonté la liberté de se déterminer,

parce que, selon eux, Dieu use de ce tempérament ; que quoique toutes choses arrivent par son decret, ou par son conseil, l’homme conserve pourtant le pouvoir de choisit entre le vice & la vertu ». Il n’y a rien de plus clair que le témoignage de cet historien, qui étoit engagé dans la secte des Pharisiens, & qui devoit en connoître les sentimens. Comment s’imaginer après cela, que les Pharisiens se crussent soumis aveuglément aux influences des astres, & à l’enchaînement des causes secondes ?

4°. En suivant cette signification naturelle, il est aisé de développer le véritable sentiment des Pharisiens, lesquels soutenoient trois choses différentes. 1°. Ils croioient que les évenemens ordinaires & naturels arrivoient nécessairement, parce que la providence les avoit prévus & déterminés ; c’est-là ce qu’ils appelloient le destin. 2°. Ils laissoient à l’homme sa liberté pour le bien & pour le mal. Josephe l’assure positivement, en disant qu’il dépendoit de l’homme de faire le bien & le mal. La Providence regloit donc tous les évenemens humains ; mais elle n’imposoit aucune nécessité pour les vices ni pour les vertus. Afin de mieux soutenir l’empire qu’ils se donnoient sur les mouvemens du cœur, & sur les actions qu’il produisoit, ils alléguoient ces paroles du Deutéronome, où Dieu déclare, qu’il a mis la mort & la vie devant son peuple, & les exhorte à choisir la vie. Cela s’accorde parfaitement avec l’orgueil des Pharisiens, qui se vantoient d’accomplir la Loi, & demandoient la récompense dûe à leurs bonnes œuvres, comme s’ils l’avoient méritée. 3°. Enfin, quoiqu’ils laissassent la liberté de choisir entre le bien & le mal, ils admettoient quelques secours de la part de Dieu ; car ils étoient aidés par le destin. Ce dernier principe leve toute la difficulté : car si le destin avoit été chez eux une cause aveugle, un enchaînement des causes secondes, ou l’influence des astres, il seroit ridicule de dire que le destin les aidoit.

5°. Les bonnes & les mauvaises actions sont récompensées ou punies non-seulement dans cette vie, mais encore dans l’autre ; d’où il s’ensuit que les Pharisiens croyoient la résurrection.

6°. On accuse les Pharisiens d’enseigner la transmigration des ames, qu’ils avoient empruntée des Orientaux, chez lesquels ce sentiment étoit commun : mais cette accusation est contestée, parce que J. C. ne leur reproche jamais cette erreur, & qu’elle paroît détruire la résurrection des morts : puisque si une ame a animé plusieurs corps sur la terre, on aura de la peine à choisit celui qu’elle doit préférer aux autres.

Je ne sais si cela suffit pour justifier cette secte : J. C. n’a pas eû dessein de combattre toutes les erreurs du Pharisaïsnie ; & si S. Paul n’en avoit parlé, nous ne connoîtrions pas aujourd’hui leurs sentimens sur la justification. Il ne faut donc pas conclure du silence de l’Evangile, qu’ils n’ont point cru la transmigration des ames.

Il ne faut point non plus justifier les Pharisiens, parce qu’ils auroient renversé la résurrection par la métempsicose ; car les Juifs modernes admettent également la révolution des ames, & la résurrection des corps, & les Pharisiens ont pu faire la même chose.

L’autorité de Josephe, qui parle nettement sur cette matiere, doit prévaloir. Il assure (Antiq. jud. lib. XVIII. cap. ij.) que les Pharisiens croyoient que les ames des méchans étoient renfermées dans des prisons, & souffroient-là des supplices éternels, pendant que celles des bons trouvoient un retour facile à la vie, & rentroient dans un autre corps. On ne peut expliquer ce retour des ames à la vie par la résurrection : car, selon les Pharisiens, l’ame