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qu’il étoit juste qu’ils rendissent ; c’est à elles à peser le mérite : de-là naissent les privileges, les châtimens & les récompenses. Il s’ensuit que l’équité s’en tient dans les affaires au droit strict, & qu’elle ne perd de vûe l’égalité naturelle, que dans les cas où elle y est contrainte par la raison d’un plus grand bien ; ce qu’on appelle l’acception des personnes, peut avoir lieu dans la distribution des biens publics ou des nôtres, mais non dans l’échange des biens d’autrui.

Le premier dégré de droit ou de justice, c’est la probité ou la piété. Le droit strict garantit de la misere & du mal. Le degré supérieur au droit strict tend au bonheur, mais à ce bonheur qu’il nous est permis d’obtenir dans ce monde, sans porter nos regards au delà ; mais si l’on se propose la démonstration universelle, que tout ce qui est honnête est utile, & que tout ce qui est deshonnête est nuisible, il faut monter à un principe plus élevé, l’immortalité de l’ame, & l’existence d’un Dieu créateur du monde, de maniere que nous soyons tous considérés comme vivans dans une cité très-parfaite, & sous un souverain si sage qu’il ne peut se tromper, si puissant que nous ne pouvons par quelque voie que ce soit, échapper à son autorité, si bon que le bonheur soit de lui obéir.

C’est par sa puissance & sa providence admise par les hommes, que ce qui n’est que droit devient fait, que personne n’est offensé ou blessé que par lui-même, qu’aucune bonne action n’existe sans récompense assurée, aucune mauvaise, sans un châtiment certain : car rien n’est négligé dans cette république du monde, par le souverain universel.

Il y a sous ce point de vûe une justice universelle qui proscrit l’abus des choses qui nous appartient de droit naturel, qui nous retient la main dans le malheur, qui empêche un grand nombre d’actions mauvaises, & qui n’en commande pas un moindre nombre de bonnes ; c’est la soumission au grand monarque, à celui qui nous a fait, & à qui nous nous devons nous & le nôtre ; c’est la crainte de nuire à l’harmonie universelle.

C’est la même considération ou croyance qui fait la force du principe de droit, qu’il faut bien vivre, c’est-à-dire, honnêtement & pieusement.

Outre les lois éternelles du droit, de la raison, & de la nature, dont l’origine est divine, il en est de volontaires qui appartiennent aux mœurs, & qui ne sont que par l’autorité d’un supérieur.

Voilà l’origine du droit civil ; ce droit tient sa force de celui qui a le pouvoir en main dans la république, hors de la république de ceux qui ont le même pouvoir que lui ; c’est le consentement volontaire & tacite des peuples, qui fonde le droit des gens.

Ce droit n’est pas le même pour tous les peuples & pour tous les tems, du-moins cela n’est pas nécessaire.

La base du droit social est dans l’enceinte du droit de la nature.

Le droit des gens protege celui qui doit veiller à la liberté publique, qui n’est point soumis à la puissance d’un autre, qui peut lever des troupes, avoir des hommes en armes, & faire des traités, quoiqu’il soit lié à un supérieur par des obligations, qu’il doive foi & hommage, & qu’il ait voué l’obéissance : delà les notions de potentat & de souverain.

La souveraineté n’exclut point une autorité supérieure à elle dans la république. Celui-là est souverain, qui jouit d’une puissance & d’une liberté telle qu’il en est autorisé à intervenir aux affaires des nations par ses armes, & à assister dans leurs traités.

Il en est de la puissance civile dans les républiques libres, comme dans la nature ; c’est ce qui a volonté.

Si les lois fondamentales n’ont pas pourvu dans la république à ce que, ce qui a volonté, jouisse de son droit, il y a vice.

Les actes sont des dispositions qui tiennent leur efficacité du droit, ou il faut les regarder comme des voies de fait.

Les actes qui tiennent leur efficacité du droit, sont ou judiciaires ou intrajudiciaires ; ou un seul y intervient, ou plusieurs ; un seul, comme dans les testamens ; plusieurs, comme dans les conventions.

Voilà l’analyse succinte de la philosophie de Leibnitz : nous traiterons plus au long quelques-uns de ses points principaux, aux différens articles de ce Dictionnaire. Voyez Optimisme, Raison suffisante, Monades, Indiscernable, Harmonie préétablie, &c.

Jamais homme peut-être n’a autant lû, autant étudié, plus médité, plus écrit que Leibnitz ; cependant il n’existe de lui aucun corps d’ouvrages ; il est surprenant que l’Allemagne à qui cet homme fait lui seul autant d’honneur que Platon, Aristote & Archimede ensemble en font à la Grece, n’ait pas encore recueilli ce qui est sorti de sa plume. Ce qu’il a composé sur le monde, sur Dieu, sur la nature, sur l’ame, comportoit l’éloquence la plus sublime. Si ces idées avoient été exposées avec le coloris de Platon, le philosophe de Leipsic ne le céderoit en rien au philosophe d’Athenes.

On s’est plaint, & avec quelque raison peut-être, que nous n’avions pas rendu à ce philosophe toute la justice qu’il méritoit. C’étoit ici le lieu de réparer cette faute si nous l’avons commise ; & nous le faisons avec joie. Nous n’avons jamais pensé à déprimer les grands hommes : nous sommes trop jaloux de l’honneur de l’espece humaine ; & puis nous aurions beau dire, leurs ouvrages transmis à la postérité déposeroient en leur faveur & contre nous ; on ne les verroit pas moins grands, & on nous trouveroit bien petits.

LEICESTER, Licestria, (Géog.) ville à marché d’Angleterre, capitale du Leicestershire. La qualité de comte de Leicester est plus ancienne que la conquête d’Angleterre par les Normands ; car il y a eu trois comtes de Leicester, savoir, Leofrike, Algar, & Edwin, du tems que les Saxons regnoient. La ville est riche, commerçante, bien peuplée, & dans une agréable situation, à 80 milles nord-ouest de Londres. Long. 16. 25. lat. 52. 35. (D. J.)

LEICESTERSHIRE, (Géog.) province d’Angleterre dans l’intérieur du pays, au diocese de Lincoln. Elle a 96 milles de tour, contient environ 560 mille arpens, & 98 mille 700 maisons. C’est un pays de bon air, d’un terroir fertile en blé, on paturages, & abondant en charbon de terre ; la laine est la plus grande du royaume. Ses principales rivieres sont la Stoure, le Reck & le Swist : Leicester en est la capitale.

Joseph Hall, Sir Edouard Leigh, & Thomas Marschall, tous trois connus par leurs travaux, étoient du comté de Leicester.

Le premier florissoit sur la fin du. xvj. siecle, & devint par son mérite évêque de Norwich. C’étoit un homme sage, plein d’esprit & de lumieres. Il prétendoit que le livre le plus utile, seroit, de paucis credendis ad salutem. Il dit dans un sermon qu’il prononça devant le synode de Dordrecht, qu’il y avoit deux sortes de Théologie ; l’une bonne & simple, qui faisoit le chrétien ; l’autre mauvaise, scholastique & subtile, qui faisoit le disputeur ; & qu’il comparoit cette derniere théologie à la quantité des Géometres, laquelle est divisible à l’infini. Plusieurs de ses écrits ont paru dans notre langue. Son traité contre les voyages, intitulé mundus alter & idem, est une pein-