Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tres. Il y a outre ces corps & grandeurs un nombre de lettres pour l’impression des affiches & placards, que l’on nomme, à cause de leur grandeur & de leur usage, grosses & moyennes : elles sont de fonte ou de bois ; ces corps n’ont ni petites capitales ni lettres du bas de casse. Voyez nos Pl. d’Imprimerie.

Lettre capitale, (Ecrit. Imprim.) grande lettre, lettre majuscule. Les anciens manuscrits grecs & latins sont entierement écrits en lettres capitales ; & lors de la naissance de l’Imprimerie, on mit au jour quelques livres, tout en capitales. Nous avons un Homere, une Anthologie grecque, un Appollonius imprimés de cette façon : on en doit l’idée à Jean Lascaris, surnommé Rhyndacène, mais on lui doit bien mieux, c’est d’avoir le premier apporté en Occident la plûpart des plus beaux manuscrits grecs que l’on y connoisse. Il finit ses jours à Rome en 1535. (D. J.)

Lettre grise, (Imprimerie.) Les Imprimeurs appellent ainsi des lettres entourées d’ornemens de gravure, soit en bois, soit en taille-douce ; elles sont d’usage pour commencer la matiere d’un ouvrage aux pages où il y a une vignette en bois. Voyez Vignette, Voyez Table des Caracteres.

Lettre tremblée, (Ecrivain.) est dans l’écriture un caractere qui, quoique sorti d’une main libre & sûre, imite le tremblé naturel, parce que ses traits ont la même attitude que s’ils partoient d’un style foible.

Voyez tom. II. 2. part. aux Planches de notre Ecriture moderne.

Lettres grecques, (Gramm. orig. des langues.) γράμματα ἑλληνῶν, caracteres de l’écriture des anciens grecs.

Joseph Scaliger, suivi par Walton, Bochart, & plusieurs autres savans, a tâché de prouver dans ses notes sur la chronique d’Eusebe, que les caracteres grecs tiroient leur origine des lettres phéniciennes ou hébraïques.

Le chevalier Marsham, dans son Canon chronicus egyptiacus, ouvrage excellent par la méthode, la clarté, la briéveté & l’érudition dont il est rempli, rejette le sentiment de Scaliger, & prétend que Cadmus, égyptien de naissance, ne porta pas de Phénicie en Grece les lettres phéniciennes, mais les caracteres épistoliques des Egyptiens, dont Theut ou Thoot, un des hermès des Grecs, étoit l’inventeur, & que de plus les Hébreux mêmes ont tiré leurs lettres des Egyptiens, ainsi que diverses autres choses.

Cette hypothèse a le désavantage de n’être pas étayée par des témoignages positifs de l’antiquité, & par la vûe des caracteres épistoliques des Egyptiens, que nous n’avons plus, au lieu que les caracteres phéniciens ou hébraïques ont passé jusqu’à nous.

Aussi les partisans de Scaliger appuient beaucoup en faveur de son opinion, sur la ressemblance de forme entre les anciennes lettres grecques & les caracteres phéniciens ; mais malheureusement cette similitude n’est pas concluante, parce qu’elle est trop foible, trop legere, parce qu’elle ne se rencontre que dans quelques lettres des deux alphabets, & parce qu’enfin Rudbeck ne prouve pas mal que les lettres runiques ont encore plus d’affinité avec les lettres grecques, par le nombre, par l’ordre & par la valeur que les lettres phéniciennes.

Il se pourroit donc bien que les sectateurs de Scaliger & de Marsham fussent également dans l’erreur, & que les Grecs, avant l’arrivée de Cadmus, qui leur fit connoître les caracteres phéniciens ou égyptiens, il n’importe, eussent déja leur propre écriture, leur propre alphabet, composé de seize lettres, & qu’ils enrichirent cet alphabet qu’ils possédoient de quelques autres lettres de celui de Cadmus.

Après tout, quand on examine sans prévention combien le système de l’écriture grecque est différent de celui de l’écriture phénicienne, on a bien de la peine à se persuader qu’il en émane.

1°. Les Grecs exprimoient toutes les voyelles par des caracteres séparés, & les Phéniciens ne les exprimoient point du tout ; 2°. les Grecs n’eurent que seize lettres jusqu’au siége de Troie, & les Phéniciens en ont toujours eu vingt-deux ; 3°. les Phéniciens écrivoient de droite à gauche, & les Grecs au contraire de gauche à droite. S’ils s’en sont écartés quelques fois, ç’a été par bisarrerie & pour s’accommoder à la forme des monumens sur lesquels on gravoit les inscriptions, ou même sur les monumens élevés par des phéniciens, ou pour des phéniciens de la colonie de Cadmus. Les Thébains eux-mêmes sont revenus à la méthode commune de disposer les caracteres grecs de la gauche à la droite, qui étoit la méthode ordinaire & universelle de la nation.

Ces différences, dont il seroit superflu de rapporter la preuve, étant une fois posées, est il vraissemblable que les Grecs eussent fait de si grands changemens à l’écriture phénicienne, s’ils n’eussent pas déja été accoutumés à une autre maniere d’écrire, & à un autre alphabet auquel apparemment ils ajouterent les caracteres phéniciens de Cadmus ? Ils retournerent ceux-ci de la gauche à la droite, donnerent à quelques-uns la force de voyelles, parce qu’ils en avoient dans leur écriture, & rejetterent absolument ceux qui exprimoient des sons dont ils ne se servoient point. (D. J.)

Lettres les, (Encyclopédie.) ce mot désigne en général les lumieres que procurent l’étude, & en particulier celle des belles-lettres ou de la littérature. Dans ce dernier sens, on distingue les gens de lettres, qui cultivent seulement l’érudition variée & pleine d’aménités, de ceux qui s’attachent aux sciences abstraites, & à celles d’une utilité plus sensible. Mais on ne peut les acquérir à un degré éminent sans la connoissance des lettres, il en résulte que les lettres & les sciences proprement dites, ont entr’elles l’enchaînement, les liaisons, & les rapports les plus étroits ; c’est dans l’Encyclopédie qu’il importe de le démontrer, & je n’en veux pour preuve que l’exemple des siecles d’Athenes & de Rome.

Si nous les rappellons à notre mémoire, nous verrons que chez les Grecs l’étude des lettres embellissoit celle des sciences, & que l’étude des sciences donnoit aux lettres un nouvel éclat. La Grece a dû tout son lustre à cet assemblage heureux ; c’est par-là qu’elle joignit au mérite le plus solide, la plus brillante réputation. Les lettres & les sciences y marcherent toujours d’un pas égal, & se servirent mutuellement d’appui. Quoique les muses présidassent les unes à la Poésie & à l’Histoire, les autres à la Dialectique, à la Géométrie & à l’Astronomie, on les regardoit comme des sœurs inséparables, qui ne formoient qu’un seul chœur. Homere & Hésiode les invoquent toutes dans leurs poëmes, & Pythagore leur sacrifia, sans les séparer, un hécatombe philosophique en reconnoissance de la découverte qu’il fit de l’égalité du quarré de l’hypothénuse dans le triangle-rectangle, avec les quarrés des deux autres côtés.

Sous Auguste, les lettres fleurirent avec les sciences & marcherent de front Rome, déja maîtresse d’Athenes par la force de ses armes, vint à concourir avec elle pour un avantage plus flatteur, celui d’une érudition agréable & d’une science profonde.

Dans le dernier siecle, si glorieux à la France à cet égard, l’intelligence des langues savantes & l’étude de la nôtre furent les premiers fruits de la culture de l’esprit. Pendant que l’éloquence de la chaire & celle du barreau brilloient avec tant d’é-