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années après. Hors ces cas, on ne peut obliger un soldat à servir dans un corps autre que celui pour lequel il s’est engagé.

Il est défendu aux capitaines d’enrôler aucun cavalier, dragon ou soldat des compagnies avec lesquelles ils sont en garnison, quoique porteur d’un congé absolu ; à peine aux capitaines de cassation, & de perdre le prix des engagemens, & aux engagés de continuer à servir dans les compagnies qu’ils auroient quittées.

Les Alsaciens peuvent, par le droit de leur naissance, servir également dans les régimens françois & allemands au service du Roi.

Les sujets de l’état d’Avignon & du comtat Venaissin, qui s’enrôlent dans les troupes de sa Majesté, ont trois jours pour se rétracter de leurs engagemens, en restituant l’argent qu’ils ont reçu, & payant en outre trente livres d’indemnité au capitaine ; & si étant engagés, ils désertent & entrent dans les confins du pape, les capitaines ne peuvent répéter que l’habit, les armes & l’engagement qu’ils ont emportés.

Les capitaines étant autorisés, en vertu de leur état & commission, à faire des recrues, peuvent en charger des officiers subalternes ou des sergens, en leur donnant des pouvoirs par écrit : la nécessité, qui malheureusement fait étendre ces pouvoirs aux cavaliers, dragons & soldats, ouvre la porte à toutes sortes d’excès, de faussetés, de manœuvres criminelles, toutes également contraires aux droits des citoyens qu’elles violent, & à la dignité du service qu’elles dégradent. Le malheur est encore, & nous souffrons d’être forcés de le dire, que ces pratiques odieuses couvertes du voile imposant du service du roi, trouvent communément un appui coupable & secret parmi les officiers même, en qui l’intérêt étouffe quelquefois le sentiment de la justice ; ensorte que ces pratiques demeurent souvent impunies, malgré les cris de l’opprimé, le zele des ministres, & toute la protection qu’ils accordent aux lois.

La connoissance & le jugement des contestations pour raison d’engagemens militaires, appartient aux intendans des provinces du royaume. C’est à eux qu’est spécialement confié, par cette attribution, le soin important & glorieux de défendre la liberté des sujets, contre les artifices & les violences des gens de guerre, sur le fait des engagemens ; & l’on auroit bien lieu de gémir, que dans un gouvernement aussi juste que celui sous lequel nous avons le bonheur de vivre, ces magistrats, par leur vigilance & l’autorité dont ils sont dépositaires, ne pussent enfin parvenir à détruire des abus aussi condamnables.

Nous espérons qu’on nous pardonnera d’avoir osé élever ici une foible voix dans la cause de l’humanité.

Milices. Elles souffrent beaucoup, sans doute, des moyens forcés qu’on est obligé d’employer pour recruter & entretenir les corps des milices ; mais ces moyens sont nécessaires : le législateur doit seulement s’occuper du soin d’en tempérer la rigueur, par tous les adoucissemens possibles, & de les faire tourner au profit de la société.

Les milices font la puissance naturelle des états ; elles en étoient même autrefois toute la force : mais depuis que les souverains ont à leur solde des corps de troupes toujours subsistans, le principal est devenu l’accessoire.

Le corps des milices de France est entretenu en paix comme en guerre, plus ou moins nombreux, suivant les conjonctures & les besoins, & forme, en tout tems, un des plus fermes appuis de notre monarchie environnée de nations puissantes, jalouses & toujours armées.

Le roi pour concilier l’intérêt de son service avec

l’économie intérieure des provinces, par rapport à la culture des terres, ordonne, en tems de paix, la séparation des bataillons de milice, lesquels en ce cas ne sont assemblés qu’une fois par an pour passer en revue, & être exercés pendant quelques jours.

C’est ainsi que sans nuire aux travaux champêtres, on prépare ces corps à une discipline plus parfaite, & qu’on y cultive, dans le loisir de la paix, les qualités militaires qui doivent opérer leur utilité pendant la guerre.

Les intendans des provinces sont chargés de faire la levée des augmentations & des remplacemens qui y sont ordonnés ; ils fixent par des états de répartition le nombre d’hommes que chaque paroisse doit fournir relativement à sa force, & procedent à la levée, chacun dans leurs départemens, soit par eux-mêmes, soit par leurs subdélégués. Cette levée se fait, comme nous l’avons déja dit, par voie de tirage au sort entre les sujets miliciables ; il en faut au moins quatre pour tirer un milicien.

Les garçons sujets à la milice, de l’âge de seize ans au moins, de quarante au plus, & jeunes gens mariés au-dessous de l’âge de vingt ans, de la taille de cinq piés au moins, sains, robustes, & en état de bien servir, doivent, sous peine d’être déclarés fuyards, se présenter au jour indiqué par devant le commissaire chargé de la levée, à l’effet de tirer au sort pour les communautés de leur résidence actuelle ; ils en subissent deux chacun : le premier regle les rangs par ordre numérique, le second décide ceux qui doivent servir.

Dans les paroisses où il ne se trouve pas dans la classe des garçons & celle des mariés au-dessous de vingt ans, le nombre de quatre miliciables pour chacun des miliciens demandés, on a recours aux hommes mariés au-dessus de l’âge de vingt ans & au-dessous de quarante. Ils tirent d’abord au sort pour fournir entre eux les hommes nécessaires à joindre aux autres classes & compléter le nombre de quatre miliciables pour chaque milicien, & ceux que le sort a choisis, tirent ensuite concurremment avec les garçons & les jeunes mariés. Ceux des miliciables, garçons ou mariés, auxquels le sort est échu, sont sur le champ enregistrés & signalés dans le procès-verbal, & dès ce moment acquis au service de la milice. L’intérêt de la population sembleroit exiger que l’on n’y assujettît pas les hommes mariés ; aussi quelques intendans pénétrés de la nécessité de protéger les mariages, s’élevant au-dessus de la loi, préferent de tirer un milicien entre deux ou trois garçons, à l’inconvénient de faire tirer les hommes mariés ; d’autres les en dispensent à l’âge de trente ans ; mais ne seroit-il pas plus avantageux de les en dispenser tout-à-fait, & en même tems d’assujettir de nouveau au sort, les soldats des milices congédiés, qui après un intervalle d’années déterminé, depuis leur premier service, se trouveroient encore célibataires au-dessous de l’âge de quarante ans ? Cette nouvelle ressource mettroit en état d’accorder l’exemption absolue de milice aux hommes mariés, sans opérer un vuide sensible dans le nombre des sujets miliciables. Nous hazardons cette idée sur l’exemple à-peu-près semblable de ce qui se pratique dans le service des milices gardes-côtes du royaume.

Tout sujet miliciable convaincu d’avoir usé d’artifices pour se soustraire au sort dans le tirage, est censé milicien de droit, & comme tel condamné de servir à la décharge de sa paroisse, ou de celui auquel le sort est échu.

Le tems du service de la milice étoit de six années pendant la derniere guerre ; il a été réduit à cinq depuis la paix. Les soldats de milice reçoivent exactement leurs congés absolus à l’expiration de ce