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Levée, arc de, (Horlogerie.) c’est la partie de l’échappement par laquelle la force motrice est transmise sur le gulateur.

Si le régulateur est un pendule, il faut qu’il soit mis en mouvement avec la main ; car la force motrice sur l’arc de levée seroit insuffisante pour le tirer du repos ; donc la force motrice ne doit agir sur cet arc, que pour entretenir le mouvement sur le régulateur.

Si le régulateur est un balancier avec son spiral, la force motrice sur l’arc de levée doit être suffisante pour le tirer du repos & lui faire parcourir entierement cet arc ; & dans ce cas elle communique donc le mouvement sur ce régulateur.

L’étendue de l’arc de levée est d’autant plus grande, que le levier qui est sur l’axe du régulateur est plus court, que le rayon de la roue est plus grand, & qu’elle est moins nombrée.

L’arc de levée ne varie point par le plus ou le moins de force motrice qu’il peut recevoir ; mais seulement dans le tems employé à le parcourir : car plus cette force est grande, moins il emploie de tems.

Dans les pendules, il faut d’autant plus de force motrice que la lentille est plus pesante, la verge plus courte, les oscillations plus promptes, & que l’arc de levée est plus grand, & réciproquement.

Dans les montres, il faut d’autant plus de force motrice que le spiral est plus fort ; que les momens du balancier sont plus petits, soit par sa grandeur, soit par sa masse ; que ses vibrations sont plus promptes ; & que l’arc de levée est plus grand, & réciproquement.

Par l’usage l’on donne dans les pendules d’autant moins d’arc de levée, que les oscillations sont plus lentes.

Au contraire dans les montres l’on donne d’autant moins de levée, que les vibrations sont plus promptes.

Déterminer exactement dans les pendules & dans les montres la force précise qui doit être employée sur l’arc de levée, pour communiquer aux unes, ou entretenir dans les autres le mouvement sur le régulateur, est un problème digne des plus grands Géometres. Mais ne craignons point de l’avouer, si notre théorie est en défaut, l’expérience y suppléera.

Si je dis que la théorie est en défaut, je ne veux pas dire qu’elle est impossible, mais seulement infiniment difficile, parce qu’elle tient à une bonne théorie de l’élasticité qui est encore à trouver ; & la question de déterminer la force précise qu’il faut sur l’arc de levée, en fournit une autre encore plus difficile. En effet, pourquoi les vibrations d’un balancier sont-elles accélérées par l’élasticité appliquée ? N’est-ce pas un obstacle de plus à surmonter pour la roue de rencontre ? Le balancier ne résiste-t-il pas au mouvement par sa grandeur & par sa masse, & le ressort spiral par sa roideur ? Comment donc se fait-il que cette derniere résistance diminue la premiere, & en accélere d’autant plus le mouvement, que cette roideur est plus grande ? Cependant, si l’on vient à augmenter la roideur du ressort spiral, soit en le rendant plus court, ou en en plaçant un autre plus fort, l’on arrivera facilement au terme où cette roideur sera si grande, qu’elle ne pourra pas être bandée par la force motrice transmise sur la roue de rencontre ; & alors le balancier restera en repos. De même si au lieu d’augmenter la roideur du spiral, l’on diminue la masse du balancier, les vibrations seront aussi accélérées ; & elles le seront d’autant plus, que les momens du balancier seront réduits. Il sera même très-facile de parvenir au terme où elles seront tellement accélérées, que la force motrice ne sera plus suffisante pour le tirer du repos, & lui donner le mouvement ; & cela par la même raison

qu’il l’a fait ci-dessus, en augmentant la roideur du ressort spiral.

L’on voit donc par l’union de l’élasticité à la masse ou pesanteur, que l’une augmente comme l’autre diminue, & réciproquement.

Je n’entrerai pas dans les conjectures que je pourrois tirer de ce que je viens d’avancer, je dirai seulement que j’ai plusieurs fois réflechi qu’on pouvoit tirer plus d’avantages que l’on ne fait de la force élastique. Par exemple, ne pourroit-on pas faire des leviers élastiques, pour remuer les blocs de pierre plus aisément qu’on ne le fait par des leviers inflexibles ? Les marteaux qui dans les grosses forges seroient soutenus par des leviers élastiques, n’augmenteroient-ils pas la force des coups ?

Mais pour revenir à notre question de mesurer la force précise & nécessaire pour entretenir le mouvement dans les pendules ; voici l’opération qu’il y a à faire.

La pendule étant toute montée & en repos, il faut faire décrire avec la main à son pendule l’arc de levée, ensuite l’abandonner avec délicatesse à la seule force motrice qui, si les arcs n’augmentent point, sera insuffisante pour l’entretenir en mouvement. Dans ce cas la pendule s’arrêtant bientôt, il faut augmenter la force motrice, ou diminuer le poids de la lentille, jusqu’à ce que la seule force motrice devienne capable de faire décrire au pendule des arcs doubles de l’arc de levée. Cet arc d’augmentation, nommé arc de supplément, ne sert qu’à exprimer une force surabondante, pour suppléer aux pertes de force qui peuvent survenir, tant du moteur que de la résistance, que la coagulation des huiles occasionne dans tout le rouage. Voyez Arc de Supplément.

Dans les montres ordinaires, pour trouver ou mesurer la force précise qui est nécessaire pour communiquer le mouvement au régulateur, il faut (la montre étant marchante & réglée) retenir le balancier très-légérement, & laisser agir la force motrice, jusqu’à ce que le balancier ait décrit l’arc de levée. Si elle arrête sur la fin de la levée, c’est ce qu’on appelle arrêter au doigt. Dans ce cas la puissance motrice étant trop foible, ou la résistance du régulateur étant trop grande, il faut donc augmenter l’une ou diminuer l’autre, en mettant un ressort plus fort, ou en affoiblissant le ressort spiral, & diminuant les momens du balancier.

Il faut continuer cette opération jusqu’à ce que le balancier décrive un arc d’augmentation, appellé aussi arc de supplément.

Mais comme cet arc de supplément n’augmente point en proportion de la force motrice, il suit que ce régulateur acheve plus promptement sa vibration ; en sorte qu’elle fait avancer la montre. Il faut donc continuer cette opération au point de la faire avancer d’une demie, pour prévenir l’arrêt du doigt qui peut arriver par la suite ; parce que j’estime que dans les montres ordinaires, la force motrice transmise sur le régulateur peut bientôt perdre une demie de sa puissance, soit par le ressort moteur, soit par la résistance que la coagulation de l’huile apporte dans les rouages. Il faut ensuite relâcher le ressort spiral ou l’affoiblir, pour faire retarder la montre, d’autant qu’on la fait avancer.

Il est à remarquer qu’il faut d’autant plus de force motrice surabondante dans les montres, qu’elles sont composées pour en exiger beaucoup : par exemple, celles dont les vibrations sont promptes, celles qui sont faites pour aller long-tems sans être remontées ; enfin celles dont les effets sont compliqués.

Si par ce qui précede l’on voit que dans les montres il faut beaucoup plus de force motrice surabondante à l’arc de levée pour leur continuer le mouve-