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de France, capitale de la Flandre françoise, & d’une châtellenie considérable, avec une citadelle construite par le maréchal de Vauban, qui est la plus belle de l’Europe.

Lille a commencé par un château, qu’un des comtes de Flandres fit bâtir avant l’an 1054. Baudouin, comte de Flandres, en fit une ville, qu’il appelle Isla dans ses lettres, & nomme son territoire Islense territorium. Rigord dans les gestes du roi Auguste, ad ann. 1215, la nomme Insula. Guillaume le Breton lui donne aussi ce dernier nom dans les vers suivans.


Insula, villa placens, gens callida, lucra sequendo ;
Insula, quæ nitidis se mercatoribus ornat,
Regna coloratis illuminat extera pannis.

Les François disent l’Isle, ou Lille, & les Allemands Ryssel. Elle a été appellée Insula, à cause de sa situation entre deux rivieres, la Lys & la Deule, qui l’environnent de toutes parts.

Louis XIV. s’est emparé de Lille par droit de conquête ; il l’enleva à l’Espagne en 1667. Les alliés la prirent en 1708, & la rendirent à la France par le traité d’Utrecht ; Longuerue, Corneille, Piganiol de la Force, Savary, & la Martiniere, vous instruiront de tous les détails qui concernent cette ville, ses manufactures, son commerce, son administration, sa châtellenie, &c.

Sa position est à 5 lieues N. O. de Tournai, 7 N. de Douai, 13 S. O. de Gand, 15 S. O. de Dunkerque, 15 N. O. de Mons, 52 N. E. de Paris. Long. selon Cassini, 20d. 36′. 30″. lat. 50. 38.

On sait peut-être qu’Antoinette Bourignon, cette célèbre visionnaire du siecle passé, naquit à Lille en 1616. Comme elle étoit riche, elle acheta sous le nom de son directeur l’île de Nordstrand, près de Holstein, pour y rassembler ceux qu’elle prétendoit associer à sa secte. Elle fit imprimer à ses frais dix-huit volumes in-8°. de pieuses rêveries, où il ne s’agit que d’inspirations immédiates, & dépensa la moitié de son bien à s’acquérir des prosélytes ; mais elle ne réussit qu’à se rendre ridicule, & à s’attirer des persécutions, attachées d’ordinaire à toute innovation. Enfin, desespérant de s’établir dans son île, elle la revendit aux Jansénistes, qui ne s’y établirent pas davantage. Elle mourut à Francker en 1680.

Dominique Baudius, grand poëte latin, étoit aussi né à Lille ; mais il fut nommé professeur dans l’université de Leyden, où il donna plusieurs ouvrages estimés, & y mourut en 1613, à cinquante-deux ans. Le vin & les femmes ont été les deux écueils sur lesquels sa réputation fit naufrage. Ses lettres dont on fait tant de cas, procurent, ce me semble, plus de plaisir & d’utilité aux lecteurs, que d’honneur à la mémoire de l’auteur. Il est vrai qu’elles sont pleines d’esprit & de politesse, mais elles le sont aussi d’amour-propre, & l’auteur s’y montre en même tems trop gueux, trop intéressé, & trop importun à ses amis.

Matthias de Lobel, botaniste, compatriote de Baudius, eut une conduite plus sage que lui dans les pays étrangers. Il mourut à Londres en 1616, âgé de soixante-dix-neuf ans ; le meilleur ouvrage qu’il ait donné sont ses Adversaria, & la meilleure édition est d’Angleterre en 1655, in-4°.

La ville de Lille a encore produit, dans le dernier siecle, quelques artistes de merite, comme Monnoyer, aimable peintre des fleurs, & les Vander-Méer, qui ont excellé à représenter le païsage, les vûes de marine, & les moutons. (D. J.)

LILLERS, (Géog.) Lilercum, petite ville de France en Artois, sur le Navez, à 7 lieues d’Arras,

entre Aire & Béthune. Ses fortifications ont été démolies. Long. 20. 7. lat. 50. 35. (D. J.)

LILLO, (Géog.) fort des Pays-bas Hollandois sur l’Escaut, à 3 lieues d’Anvers ; les habitans d’Anvers qui soutenoient le parti des confédérés, le battirent en 1583, pour se conserver la navigation de l’Escaut, & les Espagnols furent obligés d’en lever le siége en 1588. Long. 21. 47. lat. 51. 18. (D. J.)

LIMA, (Géog.) ville de l’Amérique méridionale au Pérou, dont elle est la capitale, ainsi que la résidence du vice-roi, avec un archevêché érigé en 1546, & une espece d’université, dirigée par des moines, & fondée par Charles-Quint en 1545.

François Pizarre jetta les fondemens de Lima en 1534 ou 1535, & douze Espagnols sous ses ordres commencerent à s’y loger. Le nombre des habitans augmenta promptement ; on alligna les rues, on les fit larges, & on divisa la ville en quarrés, que les Espagnols appellent quadras.

Le roi d’Espagne y établit un vice-roi, avec un pouvoir absolu, mais dont le gouvernement ne dure que sept ans ; les autres charges se donnent, ou plûtôt se vendent, pour un tems encore plus court, savoir pour cinq ans, pour trois ans. Cette politique, établie pour empêcher que les pourvûs ne forment des partis contre un prince éloigné d’eux, est la principale cause du mauvais gouvernement de la colonie, de toutes sortes de déprédations, & du peu de profit qu’elle procure au roi ; aucun des officiers ne se soucie du bien public.

Le pere Feuillée, M. Frezier, & les lettres édifiantes, vous instruiront en détails très-étendus, du gouvernement de Lima, de son audience royale, de son commerce, de ses tribunaux civils & ecclésiastiques, de son université, de ses églises, de ses hôpitaux, & de ses légions de moines, qui par leurs logemens, ont absorbé la plus belle & la plus grande partie de la ville ; ils vous parleront aussi de la quantité de couvens de filles, qui n’y sont guère moins nombreux ; enfin, des mœurs dissolues qui regnent dans un pays, où la fertilité, l’abondance de toutes choses, la richesse & l’oisiveté, ne peuvent inspirer que l’amour & la mollesse.

On n’y éprouve jamais l’intempérie de l’air, les nuages y couvrent ordinairement le ciel, pour garantir ce beau climat des rayons que le soleil y darderoit perpendiculairement. Ces nuages ne font quelquefois que s’abaisser en brouillards, pour rafraîchir la surface de la terre, fertile en toutes sortes de fruits délicieux de l’Europe & des îles Antilles, oranges, citrons, figues, raisins, olives, ananas, goyaves, patates, bananes, sandies, melons, lucumos, chérimolas, & autres.

Les campagnes de la grande vallée de Lima offrent des prairies vertes toute l’année, ici tapissées de luzerne, là des fruits dont nous venons de parler : la belle riviere de Lima arrose cette vallée par une infinité de canaux pratiqués au milieu des plaines.

En un mot, Lima donneroit l’idée du séjour le plus riant, si tous ces avantages n’étoient pas troublés par de fréquens tremblemens de terre, qui doivent inquietter sans cesse ses habitans. Il y en eut un le 17 Juin 1678, qui ruina une grande partie de la ville. Celui de 1682 démolit presque entierement les édifices publics. Depuis la plûpart des maisons des particuliers y ont été faites généralement d’un seul étage, & seulement couvertes de roseaux, sur lesquels on répand de la cendre, pour empêcher que la rosée ne passe à-travers.

Enfin, le 28 Octobre 1746, on entendit à Lima, sur les dix heures & demie du soir, un bruit souterrain, qui précede toûjours en ce pays-là les tremblemens de terre, & dure assez long-tems pour qu’on puisse sortir des maisons. Les secousses vin-