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on a deux bons liens dont on la serre à chaque extrémité, après quoi on jette les bottes en grande eau ; & on les charge de bois, de maniere qu’elles soient arrêtées, pressées & toutes couvertes. Il faut que l’eau soit belle. Les eaux coulantes sont préférables aux croupissantes ; mais le rouir en est dur. Le point important est de le tirer à tems du rouir. Il faut avoir égard à la saison & aux circonstances, & même à l’usage auquel on destine le lin.

On choisit ordinairement pour rouir le lin, les mois ou de Mai ou de Septembre. Si les eaux sont froides, on l’y laisse plus long-tems. Si les eaux sont chaudes & le tems orageux, le rouir ira plus vîte. Il faut veiller à ceci avec attention. On attend communément que sa soie se détache bien du pié & qu’elle se leve facilement d’un bout à l’autre de la tige. Alors il faut se hâter de le retirer, le faire essuyer, l’étendre sur l’herbe courte, le secher, le retourner, & le lier.

Plus le lin a été roui, moins il a de force. Aussi s’il a été ramé & qu’on le destine à la malquinerie, il faut le retirer aussi-tôt qu’il se pourra tiller. Il ne peut être trop fort, pour le filer si fin, & pour soutenir les opérations par lesquelles il passera. Il faudra d’abord le mailler, c’est-à-dire, l’écraser à grands coups de mail. Le mail est une piece de bois emmenchée & pareille à celle qui sert à battre la linuise. On le brisera ensuite à grands coups d’une lame de bois, large de trois ou quatre pouces, plate & un peu aiguisée, comme on l’a pratiqué aux lins plus communs. On l’écorchera après cela, ou si l’on veut on le dégagera de sa paille avec trois couteaux, qu’on employera l’un après l’autre, & sur lesquels on le frottera jusqu’à ce que toute la paille soit enlevée. Les couteaux sont plus larges par le bout que vers le manche, où ils n’ont qu’environ dix lignes de large. Ils ne sont pas coupans ; le tranchant en est arrondi ; ils vont en augmentant de finesse, & le plus grossier sert le premier. Enfin le lin étant parfaitement nettoyé, on le pliera, & l’on le laissera plié jusqu’à ce qu’on veuille le mettre en ouvrage. Toutes ces opérations supposent des ouvriers attentifs & instruits.

Il y a beaucoup moins de façons aux lins non ramés, qu’on appelle gros lins : si on les passe aux couteaux, c’est seulement pour les polir un peu. On peut donc les rouir plus fort. Quand on les voudra filer, on se contentera de les séranner. Voyez comment on séranne à l’article Chanvre.

Quant au filer des lins fins, on n’y procede qu’après les avoir passés ou refendus à la brosse ou peigne ; il faut que tous les brins en soient bien séparés, bien dégagés. On pousse cet affinage selon la qualité du lin & de l’ouvrage auquel on destine le fil.

Un arpent de terre d’un lin ramé fin & de trois à quatre piés de hauteur, vaut au-moins deux cens écus, argent comptant, vendu sur terre, tous frais & risques à la charge du marchand. Quand il n’est pas ramé, il faut qu’il soit beau pour être vendu la moitié de ce prix.

Au reste, il ne faut avoir égard à ces prix que relativement au tems où nous avons obtenu le mémoire, je veux dire, le commencement de cet ouvrage. Nous en avons déjà averti, & nous y revenons encore : tout peut avoir considérablement changé depuis.

On trouve dans les mémoires de l’académie de Suede, année 1746, une méthode pour préparer le lin d’une maniere qui le rende semblable à du coton ; & M. Palmquist, qui la propose, croit que par son moyen on pourroit se passer du coton. Voici le procédé qu’il indique : on prend une chaudiere de fer fondu ou de cuivre étamé ; on y met un peu d’eau de mer ; on répand sur le fond de la chaudiere parties

égales de chaux & de cendres de bouleau ou d’aûne ; après avoir bien tamisé chacune de ces matieres, on étend par-dessus une couche de lin, qui couvrira tout le fond de la chaudiere ; on remettra par-dessus assez de chaux & de cendres, pour que le lin en soit entierement couvert ; on fera une nouvelle couche de lin, & l’on continuera à faire de ces couches alternatives, jusqu’à ce que la chaudiere soit remplie à un pié près, pour que le tout puisse bouillonner. Alors on mettra la chaudiere sur le feu ; on y remettra de nouvelle eau de mer, & on fera bouillir le mélange pendant dix heures, sans cependant qu’il seche ; c’est pourquoi on y remettra de nouvelle eau de mer à mesure qu’elle s’évaporera. Lorsque la cuisson sera achevée, on portera le lin ainsi préparé à la mer, où on le lavera dans un panier, où on le remuera avec un bâton de bois bien uni & bien lisse. Lorsque tout sera refroidi au point de pouvoir y toucher avec les mains, on savonnera ce lin doucement comme on fait pour laver le linge ordinaire, & on l’exposera à l’air pour se sécher, en observant de le mouiller & de le retourner souvent, sur-tout lorsque le tems est sec. On finira par bien laver ce lin ; on le battra, on le lavera de nouveau, & on le fera sécher. Alors on le cardera avec précaution, comme cela se pratique pour le coton, & ensuite on le mettra en presse entre deux planches, sur lesquelles on placera des pierres pesantes. Au bout de deux fois vingt-quatre heures ce lin sera propre à être envoyé comme du coton. Voyez les mémoires de l’académie de Suede, année 1746.

Lin, (Pharmacie & Mat. med.) la semence seule de cette plante est d’usage en Medecine : elle est composée d’une petite amande émulsive, & d’une écorce assez épaisse, qui contient une grande quantité de mucilage.

La graine de lin concassée ou réduite en farine & imbibée avec suffisante quantité d’eau, fournit un excellent cataplasme émollient & résolutif, dont on fait un usage fort fréquent dans les tumeurs inflammatoires.

On fait entrer aussi cette graine à la dose d’une pincée, dans les décoctions pour les lavemens, contre les tranchées, la dyssenterie, le tenesme, & les maladies du bas-ventre & de la vessie.

On s’en sert aussi, quoique plus rarement, pour l’usage intérieur : on l’ajoûte aux tisanes & aux aposèmes adoucissans, qu’on destine principalement à tempérer les ardeurs d’urine, à calmer les coliques néphrétiques par quelque cause d’irritation qu’elles soient occasionnées, à faciliter même l’excrétion & la secrétion des urines, & la sortie du gravier & des petites pierres. On doit employer dans ces cas la graine de lin à fort petite dose, & ne point la faire bouillir, parce que le mucilage qu’elle peut même fournir à froid, donneroit à la liqueur, s’il y étoit contenu en trop grande quantité, une consistence épaisse & gluante, qui la rendroit très-desagréable au goût, & nuisible à l’estomac.

L’infusion de graine de lin est excellente contre l’action des poisons corrosifs : on peut dans ce cas-ci, on doit même charger la liqueur, autant qu’on doit l’éviter dans le cas précédent.

Le mucilage de graine de lin tiré avec l’eau rose, l’eau de fenouil, ou telle autre prétendue ophtalmique, est fort recommandé contre les ophtalmies douloureuses ; mais cette propriété, aussi-bien que toutes celles que nous avons rapportées, lui sont communes avec tous les mucilages. Voyez Mucilage.

On retire de la graine de lin une huile par expression, que plusieurs auteurs ont recommandée tant pour l’usage intérieur que pour l’usage extérieur ;