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bonne, après avoir reçû une colonie romaine, prit le nom de Felicitas Julia ; & c’est assez pour justifier son ancienneté.

Elle a été plusieurs fois attaquée, conquise & reconquise par divers peuples. D. Ordogno III. qui régnoit dans le dixieme siecle, s’en rendit maître, & la rasa. Elle fut à peine rebâtie, que les Maures s’en emparerent. D. Henri la reprit au commencement du douzieme siecle, & bientôt après elle retomba sous la puissance des Sarrasins. C’étoit le tems des croisades ; D. Alphonse en obtint une pour la retirer des mains des infideles. On vit en 1145, une flotte nombreuse montée par des Flamands, des Anglois & des Allemands, entrer dans le Tage, attaquer les Maures, & leur enlever Lisbonne. Dès que le comte de Portugal se trouva possesseur de cette ville, il la peupla de chrétiens, & en fit sa capitale, au lieu de Coïmbre, qui l’avoit été jusqu’alors. Un étranger nommé Gilbert, fut sacré son premier évêque. Henri, roi de Castille, la soumit à sa couronne en 1373. Elle rentra dans la suite sous le pouvoir des Portugais, & y demeura jusqu’à ce que le duc d’Albe, vainqueur de D. P. d’Achuna, la rangea sous la domination espagnole. Enfin par la révolution de 1640, le duc de Bragance fut proclamé dans Lisbonne roi de Portugal, & prit le nom de Jean IV.

Ses successeurs s’y sont maintenus jusqu’à ce jour. Charmés de la douceur de son climat, & pour ainsi dire de son printems continuel, qui produit des fleurs au milieu de l’hiver, ils ont aggrandi cette capitale de leurs états, l’ont élevée sur sept collines, & l’ont étendue jusqu’au bord du Tage. Elle renfermoit dans son enceinte un grand nombre d’édifices superbes, plusieurs places publiques, un château qui la commandoit, un arsenal bien fourni d’artillerie, un vaste édifice pour la douane, quarante églises paroissiales, sans compter celles des monasteres, plusieurs hôpitaux magnifiques, & environ trente mille maisons, qui ont cédé à d’affreux tremblemens de terre, dont le récit fait frissonner les nations même, qui sont le plus à l’abri de leurs ravages.

Le matin du premier Novembre 1735, à neuf heures quarante-cinq minutes, a été l’époque de ce tragique phénomene, qui inspire des raisonnemens aux esprits curieux, & des larmes aux ames sensibles. Je laisse aux Physiciens leurs conjectures, & aux historiens du pays, le droit qui leur appartient de peindre tant de désastres. Quæque ipsa miserrima vidi, & quorum pars magna fui, écrivoit une dame étrangere, le 4 Novembre, dans une lettre datée du milieu des champs, qu’elle avoit choisi pour refuge à cinq milles de l’endroit où étoit Lisbonne trois jours auparavant.

Le petit nombre de maisons de cette grande ville, qui échapperent aux diverses secousses des tremblemens de terre de l’année 1755 & 1756, ont été dévorées par les flammes, ou pillées par les brigands. Le centre de Lisbonne en particulier, a été ravagé d’une maniere inexprimable. Tous les principaux magasins ont été culbutés ou réduits en cendres ; le feu y a consumé en marchandises, dont une grande partie appartenoit aux Anglois, pour plus de quarante millions de creuzades. Le dommage des églises, palais & maisons, a monté au-delà de cent cinquante millions de la même monnoie, & l’on estimoit le nombre des personnes qui ont péri sous les ruines de cotte capitale, ou dans son incendie, entre 15 à 20000 ames.

Toutes les puissances ont témoigné par des lettres à S. M. T. F. la douleur qu’elles ressentoient de ce triste événement ; le roi d’Angleterre plus intimement lié d’amitié, & par les intérêts de son commerce, y envoya, pour le soulagement des malheu-

reux, des vaisseaux chargés d’or & de provisions, qui

arriverent dans le Tage au commencement de Janv. 1756, & ses bienfaits furent remis au roi de Portugal. Ils consistoient en trente mille livres sterling en or, vingt mille livres sterling en pieces de huit, six mille barils de viande salée, quatre mille barils de beurre, mille sacs de biscuit, douze cens barils de ris, dix mille quintaux de farine, dix mille quintaux de blé, outre une quantité considérable de chapeaux, de bas & de souliers. De si puissans secours, distribués avec autant d’économie que d’équité, sauverent la vie des habitans de Lisbonne, réparerent leurs forces épuisées, & leur inspirerent le courage de relever leurs murailles, leurs maisons & leurs églises.

Terminons cet article intéressant de Lisbonne par dire un mot d’Abarbanel, de Govea, de Lobo, & sur-tout du Camoens, dont cette ville est la patrie.

Le rabbin Isaac Abarbanel s’est distingué dans ses commentaires sur l’ancien Testament, par la simplicité qui y regne, par son attachement judicieux au sens littéral du texte, par sa douceur & sa charité pour les chrétiens, dont il avoit été persécuté. Il mourut à Venise en 1508, âgé de soixante-onze ans.

Antoine de Govea passe pour le meilleur jurisconsulte du Portugal ; son traité de jurisdictione, est de tous ses ouvrages celui qu’on estime le plus. Il est mort en 1565.

Le P. Jérôme Lobo, jésuite, finit ses jours en 1678, âgé de quatre-vingt-cinq ans, après en avoir passé trente en Ethiopie. Nous lui devons la meilleure relation qu’on ait de l’Abyssinie ; elle a été traduite dans notre langue par M. l’abbé le Grand, & imprimée à Paris en 1728, in-4°.

Mais le célebre Camoens a fait un honneur immortel à sa patrie, par son poëme épique de la Luziade. On connoît sa vie & ses malheurs. Né à Lisbonne en 1524 ou environ, il prit le parti des armes, & perdit un œil dans un combat contre les Maures. Il passa aux Indes en 1553, déplut au viceroi par ses discours, & fut exilé. Il partit de Goa, & se réfugia dans un coin de terre déserte, sur les frontieres de la Chine. C’est là qu’il composa son poëme ; le sujet est la découverte d’un nouveau pays, dont il avoit été témoin lui-même. Si l’on n’approuve pas l’érudition déplacée qu’il prodigue dans ce poëme vis-à-vis des Sauvages ; si l’on condamne le mélange qu’il y fait des fables du paganisme, avec les vérités du Christianisme, du-moins ne peut-on s’empêcher d’admirer la fécondité de son imagination, la richesse de ses descriptions, la variété & le coloris de ses images.

On dit qu’il pensa perdre ce fruit de son génie en allant à Macao ; son vaisseau fit naufrage pendant le cours de la navigation ; alors le Camoens, à l’imitation de César, eut la présence d’esprit de conserver son manuscrit, en le tenant d’une main au-dessus de l’eau, tandis qu’il nageoit de l’autre. De retour à Lisbonne en 1569, il y passa dix ans malheureux, & finit sa vie dans un hôpital en 1579. Tel a été le sort du Virgile des Portugais. (D. J.)

LISCA-BIANCA, (Géog.) la plus petite des iles de Lipari au nord de la Sicile. Strabon la nomme Εὐώνυμος, sinistra, parce que ceux qui alloient de Lipari en Sicile, la laissoient à la gauche ; il ajoute que de son tems, elle étoit comme abandonnée : Lisca-Bianca n’a point changé en mieux, au contraire ce n’est plus qu’un rocher entierement desert. (D. J.)

LISÉRÉ, s. m. (Brodeur.) c’est le travail qui s’exécute sur une étoffe, en suivant le contour des fleurs & du dessein avec un fil ou un cordonnet d’or, d’argent ou de soie.

LISERON, convolvulus, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur monopétale campaniforme