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jouir d’un bon esprit, il faut encore avoir le corps sain. Voilà ce qui détermina Locke à composer son traité de l’éducation, après avoir publié celui de l’entendement.

Locke prend l’enfant quand il est né. Il me semble qu’il auroit dû remonter un peu plus haut. Quoi donc ? n’y auroit-il point de regles à prescrire pour la production d’un homme ? Celui qui veut que l’arbre de son jardin prospere, choisit la saison, prépare le sol, & prend un grand nombre de précautions, dont la plûpart me semblent applicables à un être de la nature beaucoup plus important que l’arbre. Je veux que le pere & la mere soient sains, qu’ils soient contens, qu’ils ayent de la sérénité, & que le moment où ils se disposent à donner l’existence à un enfant soit celui où ils se sentent le plus satisfaits de la leur. Si l’on remplit d’amertume la journée d’une femme enceinte, croit-on que ce soit sans conséquences pour la plante molle qui germe & s’accroît dans son sein ? lorsque vous aurez planté dans vôtre verger un jeune arbrisseau, allez le secouer avec violence seulement une fois par jour, & vous verrez ce qui en arrivera. Qu’une femme enceinte soit donc un objet sacré pour son époux & pour ses voisins.

Lorsqu’elle aura mis au jour son fruit, ne le couvrez ni trop ni trop peu. Accoutumez-le à marcher tête nue, rendez-le insensible au froid des piés. Nourrissez le d’alimens simples & communs. Allongez sa vie en abrégeant son sommeil. Multipliez son existence, en appliquant son attention & ses sens à tout. Armez le contre le hasard, en le rendant insensible aux contre-tems ; armez-le contre le préjugé, en ne le soumettant jamais qu’à l’autorité de la raison ; si vous fortifiez en lui l’idée générale de l’ordre, il aimera le bien ; si vous fortifiez en lui l’idée générale de honte, il craindra le mal. Il aura l’ame élevée, si vous attachez ses premiers regards sur de grandes choses. Accoutumez-le au spectacle de la nature, si vous voulez qu’il ait le goût simple & grand ; parce que la nature est toujours grande & simple. Malheur aux enfans qui n’auront jamais vû couler les larmes de leurs parens au récit d’une action généreuse : malheur aux enfans qui n’auront jamais vû couler les larmes de leurs parens sur la misere des autres. La fable dit que Deucalion & Pyrrha repeuplerent le monde en jettant des pierres derriere eux. Il reste dans l’ame la plus sensible, une molécule qui tient de sa premiere origne, & qu’il faut travailler à reconnoitre & à amollir.

Locke avoit dit dans son essai sur l’entendement humain, qu’il ne voyoit aucune impossibilité à ce que la matiere pensât. Des hommes pusillanimes s’effrayeront de cette assertion. Et qu’importe que la matiere pense ou non ? Qu’est ce que cela fait à la justice ou à l’injustice, à l’immortalité, & à toutes les vérités du systême, soit politique, soit religieux ?

Quand la sensibilité seroit le germe premier de la pensée, quand elle seroit une propriété générale de la matiere ; quand inégalement distribuée entre toutes les productions de la nature, elle s’exerceroit avec plus ou moins d’énergie selon la variété de l’organisation, quelle conséquence fâcheuse en pourroit-on tirer ? aucune. L’homme seroit toujours ce qu’il est, jugé par le bon & le mauvais usage de ses facultés.

LOCMAN, (Marine.) voyez Lamaneur.

LOCORITUM, (Géogr. anc.) ancienne ville de la grande Germanie, selon Pline, l. II. c. xj. Pierre Apien conjecture que c’est aujourd’hui Forcheim-sur-le-Meyn.

LOCRA, (Géogr. anc.) riviere de l’île de Corse, qui, selon Ptolomée, l. III. c. ij. a son embouchure sur la côte occidentale. Léandre croit que c’est le Talabo de nos jours.

LOCRENAN, s. m. (Com.) grosse toile de chanvre écru qui se fabrique à Locrenan en Bretagne ; elle a 30 aunes de long, sur de large ; on l’emploie en voiles pour barques petites & grandes, & chaloupes.

LOCRES ou LOCRIENS, (Géogr. anc.) peuples de la Grece propre, dans la Locride. Voyez Locride.

LOCRI, (Géog. anc.) ville de la grande Grece, au midi de sa partie occidentale, auprès du promontoire Zephirium, en tirant vers le nord. Le nom du peuple étoit le même, Locri ou Locrenses. Tite Live emploie l’un & l’autre. Le territoire & le pays étoit appellé par les Grecs Λοκρίς, Locride, & le promontoire ἄκρα τῆς Λοκρίδος, le promontoire de la Locride.

LOCRIDE ou LOCRIS, (Géogr. anc.) contrée de l’Achaïe ; le Parnasse, selon Strabon, la partageoit en deux parties.

Cellarius, Géog. antiq. l. II. c. xiij. dit que celle qui se trouvoit en-deçà de ce mont, étoit habitée par les Locres ozoles, Locri ozolæ, & bornée par l’Etolie & la Phocide : la partie au-delà du Parnasse s’étendoit vers le détroit des Thermopyles le long de la côte de l’Euripe, vis à-vis de l’Eubée.

Les Locres qui habitoient au-delà du Parnasse étoient divisés en deux peuples ; savoir, les Locres opuntiens, qui demeuroient le long de la mer d’Eubée, & les Locres épicnemidiens qui avoient pris leur nom de la montagne Cnémise, & habitoient les terres qui étoient entre cette montagne & le golfe Méliague.

Ces trois sortes de Locres ou de Locriens avoient chacun leur capitale ; celle des Locres ozoles étoit Amphysse ; celle des Locres opuntiens étoit Opus, d’où ils tiroient leur nom ; & celle des Locres épicnémidiens étoit Cnémide, ainsi nommée de la montagne au pié de laquelle cette ville étoit bâtie.

Ptolomée vous indiquera les autres villes qu’il attribue à chacun de ces peuples. On peut aussi consulter le P. Briet, quoique sa division soit différente de celle de Ptolomée.

Je remarquerai seulement au sujet des Locres ozoles, qu’on les trouve aussi nommés par les anciens Zephirii, c’est-à-dire occidentaux, parce que leur pays s’étendoit à l’occident de la Locride. Il commençoit à Naupactus, aujourd’hui Lépante, & finissoit aux confins de la Phocide. Nous ignorons quel peuple étoient les Locres dont parle Virgile, Æneide l. XI. v. 265. & qu’il place sur le rivage de la Lybie : Lybico ve habitantes littore Locros ; c’étoit peut-être des Locres ozoles qui furent jettés par la tempête sur cette côte. (D. J.)

LOCULAMENTUM, (Littér.) ce mot désignoit chez les Romains un étui à mettre des livres ; car les anciens n’ayant pas l’usage de l’Imprimerie, ni de la Reliure, écrivoient leurs ouvrages sur des écorces d’arbres, sur du parchemin, sur du papyrus d’Egypte ; &, après les avoir roulés, ils les fermoient avec des bossettes d’ivoire ou de métal, & les mettoient dans des étuis, dans des compartimens ou niches faites exprès pour les conserver, & c’est ce qu’ils appelloient loculamentum. (D. J.)

LOCUTIUS, (Mythol.) le dieu de la parole chez les Romains, c’est le même que Tite Live, l. V. c. l. appelle Aïus Locutius ; il faut lire l’article Aius Locutius, je n’ai rien à y ajouter.

LODESAN, le, (Géogr.) petit pays d’Italie, au duché de Milan, le long de la riviere de l’Adda. Il prend ce nom de Lodi sa capitale, & appartient à la maison d’Autriche, ainsi que le reste du Milanois.

LODEVE, (Géogr.) ancienne ville de France au bas Languedoc, avec un évêché suffragant de Narbonne, érigé par le pape Jean XXII. en 1316. Le nom latin Lodeva est Luteva & Forum Neronis ; je le