Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ridique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas réguliere. (A)

JURIPÉBA, s. m. (Botan. exot.) arbrisseau épineux, ombrageux, & qui croît au Brésil dans les terres sablonneuses ; sa feuille est longue, déchiquetée en plusieurs endroits, lanugineuse en-dessous, & amere au goût ; sa fleur faite en étoile, est de couleur blanche & bleue ; son fruit ressemblant au raisin ou aux baies de genievre, est disposé en grappes. Voyez Pison, Hist. Brasil. (D. J.)

JURISCONSULTE, s. m. (Jurisprud.) est un homme versé dans la Jurisprudence, c’est-à-dire dans la science des lois, coutumes, & usages, & de tout ce qui a rapport au droit & à l’équité.

Les anciens donnoient à leurs jurisconsultes le nom de sages & de philosophes, parce que la Philosophie renferme les premiers principes des lois, & que son objet est de nous empêcher de faire ce qui est contre les lois de la nature, & que la Philosophie & la Jurisprudence ont également pour objet l’amour & la pratique de la justice. Aussi Cassiodore donne-t-il de la Philosophie la même définition que les lois nous donnent de la Jurisprudence. Philosophia, dit-il en son livre de la Dialectique, est divinarum humanarumque rerum, in quantum homini possibile est, probabilis sententia. Pithagore, Dracon, Solon, Lycurgue, & plusieurs autres, ne devinrent législateurs de la Grece, que parce qu’ils étoient philosophes.

Tout jurisconsulte cependant n’est pas législateur ; quelques-uns qui avoient part au gouvernement d’une nation, ont fait des lois pour lui servir de regle ; d’autres se sont seulement appliqués à la connoissance des lois qu’ils ont trouvé établies.

On ne doit pas non plus prodiguer le titre de jurisconsulte, à ceux qui n’ont qu’une connoissance superficielle de l’usage qui s’observe actuellement ; on peut être un bon praticien sans être un habile jurisconsulte ; pour mériter ce dernier titre, il faut joindre à la connoissance du Droit celle de la Philosophie, & particulierement celle de la Logique, de la Morale, & de la Politique ; il faut posséder la chronologie & l’histoire, l’intelligence, & la juste application des lois dépendant souvent de la connoissance des tems & des mœurs des peuples ; il faut sur-tout allier la théorie du Droit avec la pratique, être profond dans la science des lois, en savoir l’origine & les circonstances qui y ont donné lieu, les conjonctures dans lesquelles elles ont été faites, en pénétrer le sens & l’esprit, connoître les progrès de la Jurisprudence, les révolutions qu’elle a éprouvées ; il faudroit enfin avoir des connoissances suffisantes de toutes les choses qui peuvent faire l’objet de la Jurisprudence, divinarum atque humanarum rerum scientiam ; & conséquemment il faudroit posséder toutes les sciences & tous les arts : mais j’appliquerois volontiers à la Jurisprudence la restriction que Cassiodore met par rapport aux connoissances que doit avoir un philosophe, in quantum homini possibile est ; car il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, qu’un seul homme réunisse parfaitement toutes les connoissances nécessaires pour faire un grand jurisconsulte.

On conçoit par-là combien il est difficile de parvenir à mériter ce titre ; nous avons cependant plusieurs auteurs qui se le sont eux-mêmes attribué, tel que Dumolin, qui prenoit le titre de jurisconsulte de France & de Germanie, & qui le méritoit sans contredit : mais il ne sied pas à tous ceux qui ont quelque connoissance du Droit, de s’ériger en jurisconsultes ; c’est au public éclairé à déferer ce titre à ceux qu’il en juge dignes.

Le premier & le plus célebre de tous les Jurisconsultes, fut Moïse envoyé de Dieu, pour conduire son peuple, & pour lui transmettre ses lois.

Les Egyptiens eurent pour jurisconsultes & légis-

lateurs trois de leurs princes, savoir les deux Mercures & Amasis.

Minos donna des lois dans l’île de Crete ; mais s’il est glorieux de voir des rois au nombre des jurisconsultes, il ne l’est pas moins de voir des princes renoncer au trône pour se consacrer entierement à l’étude de la Jurisprudence, comme fit Lycurgue, lequel, quoique fils d’un des deux rois de Sparte, préfera de réformer comme concitoyen, ceux qu’il auroit pû gouverner comme roi. Il alla pour cet effet, s’instruire des lois en Crete, parcourut l’Asie & l’Egypte, & revint à Lacédémone, où il s’acquit une estime si générale, que les principaux de la ville lui aiderent à faire recevoir ses lois.

Zoroastre, si fameux chez les Perses, leur donna des lois qui se répandirent chez plusieurs autres peuples. Pithagore qui s’en étoit instruit dans ses voyages, les porta chez les Crotoniates : deux de ses disciples, Charondas & Zaleucus, les porterent l’un chez les Thuriens, l’autre chez les Locriens ; Zamolxis qui avoit aussi suivi Pithagore, porta ces lois chez les Scythes.

Athènes eut deux fameux philosophes, Dracon & Solon, qui lui donnerent pareillement des lois.

Chez les Romains, la qualité de législateur fut distinguée de celle de jurisconsulte : le pouvoir de faire des lois appartenoit à ceux qui avoient part à la puissance publique ; la fonction des jurisconsultes se borna à étudier les lois & à les interpreter. On les appelloit prudentes, & leurs réponses étoient appellées par excellence responsa prudentum. On leur donnoit aussi le titre de juris autores ; & ils se qualifioient de prêtres de la justice, justitiæ sacerdotes.

Les Jurisconsultes romains tiroient leur origine du droit de patronage établi par Romulus. Chaque plébéien se choisissoit parmi les patriciens un patron qui l’aidoit de ses conseils, & se chargeoit de sa défense : les cliens faisoient à leurs patrons des présens appellés honoraires.

La connoissance du droit romain étant devenue difficile par la multiplicité & les variations des lois, on choisit un certain nombre de personnes sages & éclairées, qui feroient leur unique occupation des lois, pour être en état de les interpreter : on donna à ces interpretes le nom de patrons, & à ceux qui les consultoient, le nom de cliens.

Ces interpretes n’étoient pas d’abord en grand nombre ; mais dans la suite ils se multiplierent tellement, que le peuple trouvant chez eux toutes les ressources pour la conduite de leurs affaires, le crédit des anciens patrons diminua peu-à-peu.

Depuis que Cnæus Flavius, & Sextus Ælius, eurent publié les formules des procédures, plusieurs jurisconsultes composerent des commentaires sur les lois ; ces commentaires furent toûjours d’un grand poids, mais ils ne commencerent à faire véritablement partie du droit écrit, que lorsque Théodose le jeune donna force de loi aux écrits de plusieurs anciens jurisconsultes.

Outre ces commentaires, les Jurisconsultes donnoient aussi des réponses à ceux qui les venoient consulter ; ces réponses étoient verbales ou par écrit, selon la nature de l’affaire, ou le lieu dans lequel elles se donnoient ; car les jurisconsultes se promenoient quelquefois dans la place publique pour être plus à portée de donner conseil à ceux qui en auroient besoin ; ces sortes de consultations n’étoient que verbales ; mais pour l’ordinaire ils se tenoient dans leurs maisons.

Il y avoit des termes consacrés par l’usage pour ces consultations ; le client demandoit au jurisconsulte, licet consulere ; si le jurisconsulte y consentoit, il répondoit consule. Le client après avoir expliqué son affaire, finissoit en disant, quæro an existi-