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tandis que les matieres hétérogenes sont converties en scories, & nagent à sa surface. Ce plomb ainsi combiné avec l’argent, se nomme plomb d’œuvre ; on le verse dans des poellons de fer, où il refroidit & prend de la consistance. Voyez Œuvre. Ce plomb uni avec l’argent est en gâteaux, que l’on porte à la grande coupelle, où le plomb est converti en un verre que l’on nomme litharge, & l’argent seul reste sur la coupelle. Voyez Coupelle.

Lorsque les mines sont peu riches en argent, on tâche de rapprocher & de concentrer sous un moindre volume l’argent qu’elles contiennent, sans quoi on dépenseroit trop en plomb pour les mettre en fusion. Pour cet effet, on mêle ces mines d’argent avec des scories & avec des pyrites, & on les fait fondre au fourneau ; c’est ce qu’on appelle dégrossir la mine. Ce travail produit un mélange ou une matte, que l’on fait passer par différens feux pour la griller ; après quoi on joint ces mattes grillées avec des mines d’argent plus riches, ou avec du plomb ou des mines de plomb que l’on traite de la maniere indiquée ci-dessus, alors le produit s’appelle matte de plomb ; elle nage au-dessus du plomb d’œuvre & au-dessous des scories. Lorsque la matte de plomb a été grillée convenablement, on en fait l’essai en petit, pour savoir la quantité d’argent qu’il donne à la grande coupelle.

Lorsque des mines de cuivre contiennent une portion d’argent, on l’obtient en joignant du plomb au cuivre, opération qui se nomme liquation. Voyez cet article.

Dans les pays où l’on trouve beaucoup d’argent vierge, ou bien où le bois est trop rare pour qu’on fasse fondre ces mines, on les traite par l’amalgame, en les écrasant & en les triturant ensuite avec le mercure que l’on fait évaporer ensuite par le moyen du feu ; c’est là ce qui se pratique au Pérou, au Potosi & dans les autres endroits de l’Amérique espagnole. Voyez Pignes.

Au sortir des travaux en grand, il est très-rare que l’argent soit d’une pureté parfaite : quand on veut l’avoir entierement pur, on est obligé de le faire passer par de nouvelles opérations ; la principale est celle de la coupelle, voyez Coupelle. Elle est fondée sur la propriété que le plomb a de vitrifier tous les métaux, à l’exception de l’or & de l’argent ; mais la coupelle n’a point toujours purifié l’argent aussi parfaitement qu’on le desire, alors pour achever de le rendre pur, on se sert du soufre. Pour cet effet, on prendra de l’argent de coupelle que l’on mettra dans un creuset avec du soufre ; on donnera un feu assez fort pour que l’argent entre en fusion ; lorsqu’il sera parfaitement fondu, on vuidera la matiere dans un mortier de fer ; lorsqu’elle sera refroidie, elle aura la couleur du plomb & sera semblable à la mine d’argent vitreuse. On divisera cette masse & on la pulvérisera autant qu’il sera possible ; on la mettra dans une écuelle de terre, où on la fera calciner pour en dégager le soufre ; lorsqu’il sera entierement dissipé, on fera fondre l’argent avec du borax & de l’alkali fixe, & l’argent qu’on obtiendra sera parfaitement pur.

On peut encore purifier l’argent par le moyen du nitre. On n’a pour cela qu’à faire fondre de l’argent de coupelle avec ce sel, & le tenir en fusion jusqu’à ce qu’il n’en parte plus aucune vapeur. Alors l’argent sera aussi pur que l’on puisse le desirer ; on jugera que ce métal aura été parfaitement purifié, lorsque les scories qui se forment à sa surface n’auront aucune couleur verte.

On purifie encore l’argent par le moyen de l’antimoine crud, dont le soufre s’unit aux métaux qui sont alliés avec l’argent, sans toucher à ce métal qui se combine avec la partie réguline de l’anti-

moine. On le sépare ensuite de ce régule en le faisant

détonner avec le nitre qui réduit l’antimoine en chaux sans décomposer l’argent.

Pour s’assurer si l’argent est pur, on n’aura qu’à le faire dissoudre dans de l’eau forte ; pour peu qu’il donne une couleur verte à ce dissolvant, on aura lieu d’être convaincu que l’argent contenoit encore quelques portions de cuivre. C’est souvent le plomb qui a été joint avec l’argent dans la coupelle, qui lui communique du cuivre, & c’est ce cuivre qui est cause du déchet que l’on éprouve lorsqu’on fait fondre l’argent à plusieurs reprises, parce qu’alors l’action du feu calcine le cuivre, ce qui est cause du déchet dont on s’apperçoit. Si on verse de l’alkali volatil sur de l’argent, il se colorera en bleu, pour peu que ce métal contienne du cuivre.

Lorsque l’argent est parfaitement pur, il est fort mou, au point qu’il est difficile d’en faire des ouvrages d’orfévrerie, c’est pour cela qu’on l’allie communément avec du cuivre pour lui donner du corps. D’où l’on voit que les vaisseaux d’argent ainsi allié, peuvent avoir souvent les mêmes dangers que les vaisseaux ou ustensiles de cuivre. Si l’on vouloit avoir des pieces d’argent parfaitement pur, il faudroit les faire faire plus épaisses & plus fortes.

Les Orfévres pour donner de la blancheur & de l’éclat aux ouvrages d’argent, les font bouillir dans une eau où ils ont fait dissoudre du tartre avec du sel marin, auxquels quelques-uns joignent du sel ammoniac. On sent aisément que cette opération n’est point une vraie purification ; elle ne pénetre point dans l’intérieur de l’argent, & n’enleve que les parties cuivreuses qui se trouvent à la surface.

Ce qu’on appelle le titre de l’argent, est son degré de pureté. Une masse d’argent quelconque se divise en douze parties, que l’on nomme deniers, & chaque denier en trente deux grains. Ainsi si une masse étoit composée de onze parties d’argent fin & d’une partie de cuivre, on diroit que cet argent est à onze deniers & ainsi de suite. En Allemagne l’argent eu égard à sa pureté, se divise en seize parties que l’on nomme loths ou demi-onces. La maniere dont les Orfévres jugent communément de la pureté ou du titre de l’argent est très-peu exacte ; ils frottent la piece d’argent qu’ils veulent connoître sur une pierre de touche, sur la trace que ce métal a laissé sur la pierre, ils mettent de l’eau forte ; si elle devient verte ou bleuâtre, ils jugent que cet argent contient du cuivre, mais ils ne peuvent point connoître par-là la quantité de cuivre que l’argent contient ; d’ailleurs cette épreuve ne peut faire connoître si les morceaux qu’on leur présente ne renferment point quelque autre métal à leur intérieur.

Les Chimistes ont long-tems cru que l’argent non plus que l’or ne pouvoit point se calciner, c’est à-dire, que l’action du feu ne pouvoit point le décomposer ou lui enlever son phlogistique ; maintenant on est convaincu de cette vérité. On n’a qu’à prendre de l’argent en limaille, ou ce qui vaut encore mieux, on prendra de l’argent, qui aura été dissout dans de l’eau forte, on l’exposera pendant deux mois à un feu de réverbere qui ne soit point assez fort pour le faire fondre, & l’on obtiendra une véritable chaux d’argent ; d’où l’on voit que l’argent perd son phlogistique, quoique plus lentement que les autres métaux. Cette chaux d’argent vitrifiée donne un verre jaune.

L’auteur d’un ouvrage allemand fort estimé des Chimistes, qui a pour titre Alchymia denudata, indique un autre moyen pour calciner l’argent. Il dit de mettre l’argent en cementation avec de la craie, de la corne de cerf, &c. & de l’exposer ensuite à un feu de réverbere. Le même auteur donne encore un autre procedé ; il consiste à dissoudre l’argent