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lesquels maccarone signifie un homme grossier & rustique, selon Cælius Rhodiginus ; & comme ce genre de poésie rapetassée pour ainsi dire de différens langages, & pleins de mots extravagans, n’a ni l’aisance ni la politesse de la poésie ordinaire ; les Italiens chez qui il a pris naissance l’ont nommé par cette raison poésie macaronienne ou macaronique.

D’autres font venir ce nom des macarons d’Italie, à macaronibus, qui sont des morceaux de pâte, ou des especes de petits gâteaux faits de farine non blutée, de fromage, d’amandes-douces, de sucre & de blancs d’œufs, qu’on sert à table à la campagne, & que les villageois sur-tout regardent comme un mets exquis. Ce mélange d’ingrédiens a fait donner le même nom à ce genre de poésie bisarre, dans la composition duquel entrent des mots françois, italiens, espagnols, anglois, &c. qui forment ce que nous appellons en fait d’odeurs un pot pourri ; terme que nous appliquons aussi quelquefois à un style bigarré de choses qui ne paroissent point faites pour aller ensemble.

Par exemple, un soldat fanfaron dira en style macaronique :

Enfilavi omnes scadrones & regimentos.


ou cet autre

Archeros pistoliferos furiam que manantum
Et grandem esmentam quæ inopinum facta
Ruellæ est, Toxinumque alto troublantem corda clochero.

On attribue l’invention de ces sortes de vers à Théophile Folengio de Mantoue, moine bénédictin, qui florissoit vers l’an 1520. Car quoique nous ayons une macaronea ariminensis en lettres très-anciennes, qui commence par ces mots :

Est autor Typhis Leonicus atque parannis


qui contient six livres de poésies macaroniques, contre Cabrin, roi de Gogue Magogue ; on sait qu’elle est l’ouvrage de Guarino Capella, & ne parut qu’en 1526, c’est-à-dire, six ans après celle de Folengio qui fut publiée sous le nom de Merlin Coccaie en 1520, & qui d’ailleurs est fort supérieure à celle de Capella, soit pour le style, soit pour l’invention, soit par les épisodes dont Folengio enrichit l’histoire de Baldus qui est le héros de son poëme. On prétend que Rabelais a voulu imiter dans la prose françoise le style macaronique de la poésie italienne, & que c’est sur ce modele qu’il a écrit quelques-uns des meilleurs endroits de son pentagruel.

Le prétendu Merlin Coccaie eut tant de succès dans son premier essai, qu’il composa un autre livre partie en style macaronique & qui a pour titre, il chars del tri per uno, mais celui-ci fut reçu bien différemment des autres. Il parut ensuite en Italie un autre ouvrage fort mauvais dans le même genre, intitulé, macaronica de syndicatu & condemnatione doctoris Samsonis Lembi, & un autre excellent ; savoir, macaronis forza, composé par un jésuite nommé Sthetonius en 1610. Bazani publia le carnavale tabula macaronica : le dernier italien qui ait écrit en ce style a été César Ursinius à qui nous devons les capricia macaronica magistri Stopini poetæ Poujanensis, imprimés en 1636.

Le premier françois qui ait réussi en ce genre se nommoit dans son style burlesque, Antonio de arma Provençalis de bragardissima villa de Soleriis. Il nous a donné deux poëmes, l’un de arte dansandi, l’autre de guerrâ neapolitanâ romanâ & genuensi. Il fut suivi par un avocat qui donna l’historia bravissima Caroli V. imperat. à Provincialibus paysanis triumphanter fugati. La Provence, comme on voit, a été parmi nous le berceau de la muse macaronique, comme elle a été celui de notre poésie. Quelque tems après Remi Belleau donna avec ses poësies françoises, dictamen metrificum de Bello hugonotico &

rusticorum pigliamine, ad sodales ; piece fort estimée, & qui fut suivie de cacasanga reistro suisso lansquenetorum per M. J. B. Lichiardum recatholicatum spaliporcinum poetam, à laquelle Etienne Tabourot plus connu sous le nom du sieur des Accords, répondit sur le même ton. Enfin, Jean Edouard Demonin nous a laissé inter teretismata sua carmina, une piece intitulée, arenaicum de quorumdam nugigerulorum piaffa insupportabili ; & une autre sous le titre de recitus veritabilis super terribili esmeuta paysannorum de Ruellio, dont nous avons cité quelques vers ci-dessus, & qui passe pour un des meilleurs ouvrages en ce genre.

Les Anglois ont peu écrit en style macaronique, à peine connoît-on d’eux en ce genre quelques feuilles volantes, recueillies par Camden. Au reste, ce n’est point un reproche à faire à cette nation, qu’elle ait négligé ou méprisé une sorte de poésie dont on peut dire en général : turpe est difficiles habere nugas, & stultus labor est ineptiarum. L’Allemagne & les Pays-bas ont eu & même en assez grand nombre leurs poëmes macaroniques, entr’autre le certamen catholicum cum calvinistis, par Martinius Hamconius Frinus, ouvrage de mille deux cens vers, dont tous les mots commencent par la lettre C.

MACARON-NÉSOS, (Géog. anc.) en grec Μακάρων νῆσος ; c’étoit le nom de la citadelle de Thebes, en Béotie, & Thèbes même porta ce nom. (D. J.)

MACARSKA, (Géog.) petite ville de Dalmatie, capitale de Primorgie, avec un évêché, suffragant de Spalatro. Elle est sur le golfe de Venise, à 8 lieues S. E. de Spalatro, & 9 N. E. de Narenta ; long. 35. 32. lat. 43. 42. (D. J.)

MACASSAR, (Géog.) MACACAR ou MANCACAR ; royaume considérable des Indes dans l’île de Célebes, dont il occupe la plus grande partie, sous la Zone Torride.

Les chaleurs y seroient insupportables sans les vents du nord, & les pluies abondantes qui y tombent quelques jours avant & après les pleines lunes, & pendant les deux mois que le soleil y passe.

Le pays est extrèmement fertile en excellens fruits, mangues, oranges, melons d’eau, figues, qui y sont mûrs en tous les tems de l’année. Le ris y vient en abondance ; les cannes de sucre, le poivre, le bétel & l’arek s’y donnent presque pour rien ; on trouve dans les montagnes des carrieres de belles pierres, chose très-rare aux Indes, quelques mines d’or, de cuivre & d’étain. On y voit des oiseaux inconnus en Europe ; mais on s’y passeroit bien de la quantité des singes à queue & sans queue, qui y fourmillent.

Le gouvernement y est monarchique & despotique, cependant la couronne y est héréditaire avec cette clause, que les freres succedent à l’exclusion des enfans. La religion y est celle de Mahomet, mêlée d’autres superstitions. Ils n’enmaillotent point les enfans, & se contentent après leur naissance, de les mettre nuds dans des paniers d’osier. Ils font consister la beauté, comme plusieurs autres peuples, dans l’applatissement du nez, qu’ils procurent artificiellement ; dans des ongles courts, & peints de différentes couleurs ainsi que les dents.

Gervaise a publié la description de ce royaume, & l’on s’apperçoit bien qu’il l’a faite en partie d’imagination. C’est un roman que son histoire de l’établissement du mahométisme dans ce pays-là, & du hasard qui lui donna la préférence sur le christianisme. (D. J.)

Macassar, (Géog.) grande ville de l’île de Célebes, capitale du royaume de Macassar, & la résidence ordinaire des rois. Les maisons y sont presque toutes de bois, & soutenues en l’air sur de grandes colonnes ; on y monte avec des échelles. Les