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nant très-attentif ; aussi ne tarda-t-il guère à exercer sa cruauté ; son ordre inhumain d’égorger les enfans fut expédié aussi-tôt qu’il connut que les Mages l’avoient trompé, videns quod illusus esset à Magis, misit, &c. On ne peut donc laisser à Joseph le tems d’aller à Jérusalem & de-là à Nazareth, avant que d’avoir prévenu par sa fuite les mauvais desseins d’Hérode. Le troisieme, c’est que le commandement fait à Joseph pressoit, puisqu’il partit dès la nuit, qui consurgens accepit puerum & matrem ejus nocte, & secessit in Egyptum. Et comment dans la nécessité pressante d’échapper à Hérode lui auroit-il été enjoint d’aller de Nazareth en Egypte, c’est-à-dire de retourner à Jérusalem où étoit Hérode, & de passer du côté de Bethléem où ce prince devoit chercher sa proie, afin de traverser toute la terre d’Israël & le royaume de Juda, pour chercher l’Egypte à l’autre bout ; car on sait que c’est là le chemin. Étant à Nazareth, il étoit bien plus simple de fuir du côté de Syrie, & il y a toute apparence que S. Matthieu n’envoye Jesus en Egypte que parce que cette contrée étoit bien plus voisine du lieu où Joseph séjournoit alors ; c’est-à-dire que cet évangéliste suppose manifestement par son récit que le départ de la sainte famille fut de Bethléem & non de Nazareth. Le quatrieme, c’est qu’Hérode devoit chercher à Bethléem & non à Nazareth ; que ce fut sur cette premiere ville & non sur l’autre que tomba la fureur du tyran, & que par conséquent Joseph ne devoit fuir avec son dépôt que de Bethléem & non de Nazareth, où il étoit en sureté. Le cinquieme, c’est que S Luc nous fait entendre que Jesus, après son retour à Nazareth, n’en sortit plus que pour aller tous les ans à Jérusalem avec ses parens, & que c’est là que se passerent les premieres années de son enfance, & non en Egypte.

3°. Il semble que S. Matthieu ait ignoré que Nazareth étoit le séjour ordinaire de Joseph & de Marie, & que la naissance de Jesus à Bethléem n’a été qu’un effet du hasard ou de la Providence, une suite de la description des familles ordonnée par César. Car après avoir dit simplement que Jesus vint au monde dans la ville de Bethléem, y avoir conduit les Mages & l’avoir fait sauver devant la persécution d’Hérode ; quand après la mort de ce prince, il se propose de le ramener dans son pays, il ne le conduit pas directement à Nazareth en Galilée, mais dans la Judée où Bethléem est située, & ce n’est qu’à l’occasion de la crainte que le fils d’Hérode n’eût hérité de la cruauté de son pere, que S. Matthieu résout Joseph à se retirer à Nazareth en Galilée, & non dans son ancienne demeure, afin que les prophéties qui disoient que Jesus seroit nommé Nazaréen fussent accomplies. De sorte que la demeure du Sauveur dans Nazareth n’a été, selon S. Mathieu, qu’un évenement fortuit, ou la suite de l’ordre de Dieu à l’occasion de la crainte de Joseph, pour l’accomplissement des prophéties. Au lieu que dans S. Luc, c’est la naissance du Sauveur à Bethléem qui devient un évenement fortuit, ou arrangé pour l’accomplissement des prophéties à l’occasion de l’édit de César ; & son séjour à Nazareth n’a rien de singulier, c’est une chose naturelle ; Nazareth est le lieu où demeuroit Joseph & Marie, où l’ange fit l’annonciation, d’où ils partirent pour aller à Bethléem se faire inscrire, & où ils retournerent, après l’accomplissement du précepte pour la purification des femmes accouchées & l’offrande des aînés.

Voilà les difficultés qu’ont fait naître, de la part des antichrétiens, la diversité des évangiles sur l’adoration des Mages, l’apparition de l’étoile, la fuite de Joseph en Egypte, & le massacre des innocens. Que s’ensuit-il ? rien ; rien ni sur la vérité de la religion, ni sur la sincérité des historiens sacrés.

Il y a bien de la différence entre la vérité de la religion & la vérité de l’histoire, entre la certitude d’un fait, & la sincérité de celui qui le raconte.

La foi & la morale, c’est-à-dire le culte que nous devons à Dieu par la soumission du cœur & de l’esprit, sont l’unique & le principal objet de la révélation, &, autant qu’il est possible & raisonnable, les faits & les circonstances historiques qui en accompagnent le récit.

C’est en ce qui regarde ce culte divin & spirituel que Dieu a inspiré les écrivains sacrés, & conduit leur plume d’une maniere particuliere & infaillible. Pour ce qui est du tissu de l’histoire & des faits qui y sont mêlés, il les a laissé écrire naturellement, comme d’honnêtes gens écrivent, dans la bonne foi & selon leurs lumieres, d’après les mémoires qu’ils ont trouvés & crus véritables.

Ainsi les faits n’ont qu’une certitude morale plus ou moins forte, selon la nature des preuves & les regles d’une critique sage & éclairée ; mais la religion a une certitude infaillible, appuyée non-seulement sur la vérité des faits qui y ont connexion, mais encore sur l’infaillibilité de la révélation & l’évidence de la raison.

Le doigt de Dieu se trouve marqué dans tout ce qui est de lui. Le Créateur a gravé lui-même dans sa créature ce qu’il inspiroit aux prophetes & aux apôtres, & la raison est le premier rayon de sa lumiere éternelle, une étincelle de sa science. C’est delà que la religion tient sa certitude, & non des faits que M. l’abbé d’Houteville, ni Abadie, ni aucun autre docteur ne pourra jamais mettre hors de toute atteinte, lorsque les difficultés seront proposées dans toute leur force.

Mages étoile des, (Ecrit. sac.) Il y a différens sentimens sur la nature de l’étoile qui apparut aux Mages. Beaucoup de savans ont pensé que cette étoile étoit quelque phenomene en forme d’astre, qui ayant été remarqué par les Mages avec des circonstances extraordinaires, leur parut être l’étoile prédite par Balaam, & conséquemment ils se déterminerent à la suivre pour chercher le roi dont elle annonçoit la venue ; mais l’opinion particuliere de M. Benoist, illustre théologien, né à Paris dans le dernier siecle, & mort en Hollande en 1728, m’a paru d’un goût si singulier, & remplie d’idées si neuves, que je crois faire plaisir à bien des personnes, au lieu de l’exposer ici dans toute son étendue, de les renvoyer à ce qu’en a dit M. Chaufepié dans son dictionnaire.

Mage, (Jurisprud.) Juge-mage, quasi major judex, est le titre que l’on donne en quelques villes de Languedoc, comme à Toulouse au lieutenant du Sénéchal. (A)

MAGÉDAN, (Géog. sacrée.) lieu de la Palestine, dans le canton de Dalmanutha. Saint Marc, c. viij. V x. dit que Jesus-Christ s’étant embarqué sur la mer de Tibériade avec ses disciples, vint à Dalmanutha (saint Matthieu dit Magedan, & dans le grec Magdala.) Il est assez vrai-semblable que Médan, Magedam, Delmana, & Delmanutha sont un même lieu près de la source du Jourdain nommé Dan, au pié du mont Liban. (D. J.)

MAGELLAN, Détroit de (Géog.) celebre dans l’Amérique septentrionale.

Ce fut en 1519, dans le commencement des conquêtes espagnoles en Amérique, & au milieu des grands succès des Portugais en Asie & en Afrique, que Ferdinand Magalhaens, que nous nommons Magellan, découvrit pour l’Espagne le fameux détroit qui porte son nom ; qu’il entra le premier dans la mer du Sud ; & qu’en voguant de l’occident à l’orient, il trouva les îles qu’on nomme depuis Mariannes, & une des Philippines, où il perdit la vie. Magellan étoit un portugais auquel on avoit refusé