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maîtres de l’art, on procede à sa reception dans une salle séparée. Le lieutenant propose au candidat une question, sur laquelle il demande son rapport par écrit ; il faut y satisfaire sur le champ, & faire lecture publique de ce rapport ; ensuite de quoi, le candidat prête le serment accoûtumé, & signe sur les registres sa reception à la maîtrise en l’art & science de la Chirurgie.

Ceux qui ont rendu pendant six années des services gratuits dans les hôpitaux de Paris, avec la qualité de gagnant-maîtrise, après un examen suffisant, sont dispensés des actes de la licence, & sont reçus au nombre des maîtres en l’art & science de la Chirurgie en soutenant l’acte public. Il y a six places de gagnant-maîtrise ; deux à l’Hôtel-Dieu, dont une par le privilege de l’hôpital des Incurables, une à l’hôpital de la Charité ; deux à l’hôpital général, l’une pour la maison de la Salpétriere, l’autre pour la maison de Bicètre ; enfin une place de gagnant-maîtrise en Chirurgie à l’hôtel royal des Invalides : ensorte que, par la voie des hôpitaux, il y a chaque année l’une dans l’autre un maître en Chirurgie.

Ceux qui ont acheté des charges dans la maison du roi ou des princes, auxquelles le droit d’aggrégation est attaché, sont aussi admis, sans autre examen que le dernier, à la maîtrise en Chirurgie, de laquelle ils sont déchus, s’ils viennent à vendre leurs charges avant que d’avoir acquis la vétérance par vingt-cinq années de possession.

Les Chirurgiens qui ont pratiqué avec réputation dans une ville du royaume où il y a archevêché & parlement, après vingt années de reception dans leur communauté, peuvent se faire aggréger au college des Chirurgiens de Paris, où ils ne prennent rang que du jour de leur aggrégation.

Les examens que doivent subir les candidats en Chirurgie, paroissent bien plus utiles pour eux & bien plus propres à prouver leur capacité, que le vain appareil des thèses qu’on feroit soutenir successivement ; parce que les thèses sont toujours sur une matiere au choix du candidat ou du président ; qu’on n’expose sur le programme la question que sous le point de vûe qu’on juge à-propos ; que le sujet est prémédité, & suppose une étude bornée & circonscrite, qui ne demande qu’une application déterminée à un objet particulier & exclusif de tout ce qui n’y a pas un rapport immédiat. Il n’y a personne qu’on ne puisse mettre en état de soutenir assez passablement une thèse, pour peu qu’il ait les premieres notions de la science. Il y a long-tems qu’on a dit que la distinction avec laquelle un répondant soutenoit un acte public, prouvoit moins son habileté que l’artifice du maître. M. Baillet a dit à ce sujet, qu’on pouvoit paroître avec applaudissement sur le théâtre des écoles par le secours de machines qu’on monte pour une seule représentation, & dont on ne conserve souvent plus rien après qu’elles ont fait leur effet. On peut lire avec satisfaction & avec fruit une dissertation contre l’usage de soutenir des thèses en Médecine, par M. le François, docteur en Médecine de la faculté de Paris, publiée en 1720, & qui se trouve chez Cavelier, libraire, rue S. Jacques, au lys-d’or. Il y a du même auteur des réflexions critiques sur la Médecine, en deux volumes in-12. qui sont un ouvrage très-estimable & trop peu connu.

La réception n’est pas le terme des épreuves auxquelles les Chirurgiens sont assujettis, pour mériter la confiance du public. L’arrêt déja cité du conseil d’état du Roi du 4 Juillet 1750, portant réglement entre la faculté de Médecine de Paris & les maîtres en l’art & science de la Chirurgie, a ordonné, sur les représentations de M. de la Martiniere, pre-

mier chirurgien de sa Majesté, pour la plus grande

perfection de la Chirurgie, que les maîtres nouveaux reçus seront tenus d’assister assidument, pendant deux ans au moins, aux grandes opérations qui se feront dans les hôpitaux, en tel nombre qu’il sera jugé convenable par les chirurgiens majors desdits hôpitaux, ensorte qu’ils puissent y être tous admis successivement. Par un autre article de ce réglement, lesdits nouveaux maîtres sont tenus d’appeller pendant le même tems deux de leurs confreres, ayant au moins douze années de réception, aux opérations difficiles qu’ils entreprendront, sa Majesté leur défendant d’en faire aucune durant ledit tems qu’en présence & par le conseil desdits maîtres à ce appellés. Cette disposition de la loi est une preuve de la bonté vigilante du prince pour ses sujets, & fait l’éloge du chef de la Chirurgie qui l’a sollicitée.

Les chirurgiens des grandes villes de province, telles que Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nantes, Orléans, Rouen, ont des statuts particuliers qui prescrivent des actes probatoires aussi multipliés qu’à Paris ; &, suivant les statuts généraux pour toutes les villes qui n’ont point de réglemens particuliers, les épreuves pour la réception sont assez rigoureuses pour mériter la confiance du public, si les interrogateurs s’acquittent de leur devoir avec la capacité & le zele convenables.

Les aspirans doivent avoir fait un apprentissage de deux ans au moins, puis avoir travaillé trois ans sous des maîtres particuliers, ou deux ans dans les hôpitaux des villes frontieres, ou au moins une année dans les hôpitaux de Paris, à l’Hôtel-Dieu, à la Charité ou aux Invalides.

L’immatricule se fait après un examen sommaire ou tentative, dans lequel acte l’aspirant est interrogé par le lieutenant du premier chirurgien du Roi & par les deux prevôts, ou par le prevôt, s’il n’y en a qu’un, & par le doyen de la communauté.

Deux mois après au plus tard, il faut soutenir le premier examen, où le lieutenant, les deux prevôts, le doyen & quatre maîtres tirés au sort, interrogent l’aspirant, chacun pendant une demi-heure au moins, sur les principes de la Chirurgie, & le général des tumeurs, des plaies & des ulceres. S’il est jugé incapable, faute de suffisante application, il est renvoyé à trois mois pour le même examen ; sinon il est admis à faire sa semaine d’Ostéologie deux mois après.

La semaine d’Ostéologie a deux jours d’exercice. Le premier jour, l’aspirant est interrogé par le lieutenant, les prevôts & deux maîtres tirés au sort, sur les os du corps humain ; &, après deux jours d’intervalle, le second acte de cette semaine est sur les fractures & luxations, & sur les bandages & appareils.

On n’entre en semaine d’Anatomie que depuis le premier de Novembre jusqu’au dernier jour d’Avril. Cette semaine a deux actes. Le premier jour, on examine sur l’Anatomie, & l’aspirant fait les opérations sur un sujet humain ; à son défaut, sur les parties des animaux convenables. Le second jour, l’examen a pour objet les opérations chirurgicales, telles que la cure des tumeurs, des plaies, l’amputation, la taille, le trépan, le cancer, l’empyeme, les hernies, les ponctions, les fistules, l’ouverture des abscès, &c.

La troisieme semaine, l’aspirant soutient deux actes : le premier, sur la théorie & la pratique de la saignée, sur les accidens de cette opération, & les moyens d’y remédier. Le second, sur les médicamens simples & composés, sur leurs vertus & effets.

Dans le dernier examen, l’aspirant est interrogé sur des faits de pratique par le lieutenant, les pre-