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parties, comme des os (ce qui forme la luxation proprement dite), des tendons, des muscles, & de tous autres organes ; ainsi, dans ce genre de lésion, toutes les différentes sortes de hernies se trouvent comprises, telles que l’exophtalmie, l’omphalocele, l’hystérocele, l’entérocele, le bubonocele & la hernie proprement dite.

Tel est le plan d’une méthode générale, d’après laquelle on peut entreprendre, avec ordre, l’histoire des maladies, qui est susceptible de presqu’autant de précision, que la botanique. En effet, après avoir déterminé, comme on le fait pour les plantes, ce que les maladies ont de commun entr’elles, comme l’est la végétation à l’égard de celles-là, on recherche ce qui les distingue en général à raison ou de leur nature, pour en former des classes différentes qui rassemblent les maladies, qui ont le plus de rapport entr’elles, c’est-à-dire que chaque classe est formée des maladies en plus ou moins grand nombre, dont les symptomes principaux ont beaucoup de ressemblance. Mais comme il en est entr’eux de susceptibles d’être encore distingués plus en détail, & d’une maniere plus caractéristique de ressemblance ; des maladies susceptibles de cette différence, il en a résulté la formation des genres ; & ensuite, par la description des symptomes particuliers à chaque différente maladie du même genre, s’est établie la différence des especes, qui dépend de la variété des circonstances sensibles qui accompagnent le caractere de chaque genre de maladies.

La péripneumonie seche, par exemple, qui dépend d’une inflammation éresipélateuse, est bien différente par ses effets, & conséquemment par rapport au prognostic & à sa curation, de la péripneumonie phlegmoneuse, humide ou catarreuse. De même, l’asthme qui est produit par une goutte remontée, c’est-à-dire qui survient lorsque l’humeur de la goutte change de siege & se porte par métastase dans la substance des poumons ; cet asthme donc a des symptomes spécifiques bien différens de ceux des autres sortes d’asthmes : on doit aussi se comporter bien différemment dans le jugement & le traitement de cette maladie : ainsi ce sont là des maladies qui, sous le même nom générique, ne laissent pas d’être distinguées d’une maniere bien marquée les unes des autres, ce qui forme la différence des espèces sous un même genre ; comme sous le nom générique de chardon se trouve compris un grand nombre de plantes bien différentes entr’elles, qui forment autant d’especes de chardons, parce qu’elles ont toutes quelque chose de particulier, comme elles ont aussi quelque chose d’essentiellement commun entr’elles, c’est-à-dire un caractere dominant, un grand nombre de rapports, ce qui fait qu’on les range toutes sous un même genre.

Cette maniere de faire l’exposition des maladies, de les distribuer par classes, genres & especes, comme on le pratique pour les plantes, si différente de celle des Arabes, qui a dominé dans les écoles & dans les livres de Pathologie, a été présentée, desirée, proposée, approuvée par la plûpart des plus grands maîtres de l’art parmi les modernes, tels que Plater, Sydenham, Matgrave, Baglivi, Neuter, Boerhaave, comme la plus propre à former le plan d’une histoire des maladies. Cependant cette méthode sans doute, parce qu’elle demande trop de travail, n’a encore été employée & même seulement ébauchée que par M. de Sauvage, célebre professeur de Montpellier, grand botaniste, dans son livre des nouvelles classes des maladies, édition d’Avignon 1731, qu’il a retracée dans sa Pathologie, Pathologia methodica, &c. Amstelod. 1752, & dont il fait espérer une nouvelle édition aussi complette qu’elle en est susceptible, qui ne pourra

être qu’un excellent ouvrage qui manque jusqu’à présent à la Médecine, & dont Boerhaave agréa si fort le projet, lorsque l’auteur dans le tems le soumit à son jugement qu’il lui écrivit en conséquence, pour le lui témoigner & l’exciter à l’exécution d’une entreprise aussi grande & aussi utile. C’est ce qu’on voit dans la lettre du célebre professeur de Leyde, mise à la tête du livre dont on vient de parler, qui est devenu sort rare.

Il contient le dénombrement des classes des maladies, de leurs genres, avec leurs caracteres particuliers & leurs especes indiquées par des qualifications distinctives, ce qu’on appelle des phrases à l’imitation de celles qui sont employées par les botanistes ; ensorte que ces especes sont ainsi sommairement désignées telles qu’elles ont été observées en détail par les auteurs cités à la suite de ces qualifications.

C’est d’après cet essai de M. de Sauvage que vient d’être exposée ici en abrégé la méthode symptomatique de distribution des maladies par classes & par genres, à quoi il auroit été trop long d’ajouter les especes, comme a fait cet auteur, que l’on peut consulter, selon lui, dans la préface du livre dont il vient d’être fait mention : le nombre des especes des maladies est actuellement porté à environ trois mille bien caractérisées par des signes, qui paroissent constamment toutes les fois que la même cause est subsistante dans les mêmes circonstances, qui produit toujours les mêmes effets essentiels ; ensorte qu’en général la marche de la nature est essentiellement la même chose dans le cours de chaque espece des maladies, malgré la différence de l’âge, de sexe, du tempérament du sujet ; malgré la différence du climat, de la saison, de la position par rapport au lieu d’habitation.

Toutes ces différentes circonstances peuvent bien contribuer à procurer quelques différences dans les symptomes accidentels de la maladie spécifique ; mais elles ne changent presque jamais les symptomes caractéristiques, tels, par exemple, que, dans le genre de fievres exanthémateuses, qu’on appelle petite-vérole, l’éruption inflammatoire, la suppuration, qui, dans cette maladie lorsqu’elle parcourt ses tems, arrivent constamment à des jours marqués, selon la différence de sa nature particuliere, qui peut aussi produire des accidens bien différens qui sont réguliers, pour distinguer la petite-vérole discrete de la confluente ou irréguliere, qui établissent une différence entre la petite-vérole bénigne & la maligne, la simple & la compliquée, ce qui forme les différentes modifications de ce genre de maladie.

Mais quoique le caractere connu de chaque genre & de chaque espece de maladie ne soit point susceptible de changer originairement & essentiellement, cependant une fois établi, il arrive quelquefois qu’il change par substitution ou par addition, ce qui est, selon les Grecs, par métaptose & par épigenese.

La métaptose ou substitution est le changement qui se fait, de maniere que tous les symptomes de la maladie sont remplacés par d’autres tous différens. On distingue deux sortes de métaptose, le diadoche & la métaptose : la premiere, lorsque la cause morbifique change entiérement de siege, est transportée d’une partie à une autre, sans effort critique, qui opere ce changement, & comme par voie de sécrétion de mouvemens naturels : c’est ainsi que le diabete survient à l’ascite, ou que le flux hémorrhoïdal fait cesser l’asthme pléthorique : la seconde espece de métaptose, lorsque, par un effort de la nature, il se fait un transport de la matiere morbifique d’une partie à une autre ; comme lorsque les parotides surviennent dans la fievre maligne, que l’asthme sur-