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Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/113

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chant, sera forte et vraie, plus le chant qui s’y conforme la coupera en plus grand nombre de points ; plus le chant sera vrai, et plus il sera beau ; et c’est ce qu’ont très-bien senti nos jeunes musiciens. Quand on entend, Je suis un pauvre diable, on croit reconnaître la plainte d’un avare ; s’il ne chantait pas, c’est sur les mêmes tons qu’il parlerait à la terre quand il lui confie son or, et qu’il lui dit : Ô terre, reçois mon trésor. Et cette petite fille qui sent palpiter son cœur, qui rougit, qui se trouble, et qui supplie monseigneur de la laisser partir, s’exprimerait-elle autrement ? Il y a dans ces ouvrages toutes sortes de caractères, une variété infinie de déclamations : cela est sublime, c’est moi qui vous le dis. Allez, allez entendre le morceau où le jeune homme qui se sent mourir s’écrie : Mon cœur s’en va ! Écoutez le chant, écoutez la symphonie, et vous me direz après quelle différence il y a entre les vraies voix d’un moribond et le tour de ce chant ; vous verrez si la ligne de la mélodie ne coïncide pas tout entière avec la ligne de la déclamation. Je ne vous parle pas de la mesure, qui est encore une des conditions du chant ; je m’en tiens à l’expression, et il n’y a rien de plus évident que