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Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/30

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ces petits pieds-là ne sont pas faits pour marcher dans la rue ? Qu’il y a un beau monsieur, jeune et riche, qui a un habit galonné d’or, un superbe équipage, six grands laquais, qui l’a vue en passant, qui la trouve charmante, et que depuis ce jour-là il en a perdu le boire et le manger, qu’il n’en dort plus, et qu’il en mourra ? — Mais mon papa ? — Bon, bon, votre papa ! il s’en fâchera d’abord un peu. — Et maman qui me recommande tant d’être honnête fille ; qui me dit qu’il n’y a rien dans ce monde que l’honneur ? — Vieux propos qui ne signifient rien. — Et mon confesseur ? — Vous ne le verrez plus ; ou si vous persistez dans la fantaisie d’aller lui faire l’histoire de vos amusements, il vous en coûtera quelques livres de sucre et de café. — C’est un homme sévère, qui m’a refusé l’absolution pour la chanson, Viens dans ma cellule. — C’est que vous n’aviez rien à lui donner : mais quand vous lui apparaîtrez en dentelles… — J’aurai donc des dentelles ? — Sans doute, et de toutes les sortes…, en belles boucles de diamants… — J’aurai donc de belles boucles de diamants ? — Oui. — Comme celles de cette marquise qui vient quelquefois prendre des gants dans notre bouti-