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Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/45

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MOI. — Ô fou, archi-fou ! m’écriai-je, comment se fait-il que dans ta mauvaise tête il se trouve des idées si justes, pêle-mêle avec tant d’extravagances ?

LUI. — Qui diable sait cela ? C’est le hasard qui vous les jette, et elles demeurent. Tant il y a que quand on ne sait pas tout on ne sait rien de bien ; on ignore où une chose va, d’où une autre vient, où celle-ci ou celle-là veulent être placées, laquelle doit passer la première, ou sera mieux la seconde. Montre-t-on bien sans la méthode ? et la méthode, d’où naît-elle ? Tenez, mon philosophe, j’ai dans la tête que la physique sera toujours une pauvre science, une goutte d’eau prise avec la pointe d’une aiguille dans le vaste Océan, un grain détaché de la chaîne des Alpes. Et puis chercher les raisons des phénomènes ! En vérité, il vaudrait autant ignorer que de savoir si peu et si mal. Et c’était précisément où j’en étais, lorsque je me fis maître d’accompagnement. À quoi rêvez-vous ?

MOI. — Je rêve que tout ce que vous venez de dire est plus spécieux que solide. Mais laissons cela ; vous avez montré, dites-vous, l’accompagnement et la composition ?