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Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/49

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pièce. — Oh ! pour cela elle n’en sortira pas qu’elle ne soit au-dessus de toute difficulté, et cela ne sera pas aussi long que madame le croit. — Monsieur Rameau, vous la flattez ; vous êtes trop bon. Voilà de la leçon la seule chose qu’elle retiendra et qu’elle saura bien me répéter dans l’occasion… » L’heure se passait, mon écolière me présentait mon petit cachet avec la grâce du bras et la révérence qu’elle avait apprise du maître à danser : je le mettais dans ma poche, pendant que la mère disait : « Fort bien, mademoiselle ; si Favillier[1] était là, il applaudirait… » Je bavardais encore un moment par bienséance ; je disparaissais ensuite, et voilà ce qu’on appelait alors une leçon d’accompagnement.

MOI. — Et aujourd’hui c’est donc autre chose ?

LUI. — Vertudieu ! je le crois. J’arrive, je suis grave ; je me hâte d’ôter mon manchon, j’ouvre le clavecin, j’essaye les touches. Je suis toujours pressé ; si l’on me fait attendre un moment, je crie comme si l’on me volait un écu : Dans une heure d’ici il faut que je sois là, dans deux heures chez Mme la duchesse une telle ; je suis attendu à

  1. On lit M. Abraham, dans la clé donnée par M. de Saur.