Aller au contenu

Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

MOI. — Je vois que, si vous vous dispensiez de veiller à la conduite de votre femme, de vos enfants, de vos domestiques, vous pourriez aisément négliger vos affaires.

LUI. — Pardonnez-moi ; il est quelquefois difficile de trouver de l’argent, et il est prudent de s’y prendre de loin.

MOI. — Vous donnerez peu de soin à votre femme ?

LUI. — Aucun, s’il vous plaît. Le meilleur procédé, je crois, qu’on puisse avoir avec sa moitié, c’est de faire ce qui lui convient. À votre avis, la société ne serait-elle pas fort amusante si chacun y était à sa chose ?

MOI. — Pourquoi pas ? la soirée n’est jamais plus belle pour moi que quand je suis content de ma matinée.

LUI. — Et pour moi aussi.

MOI. — Ce qui rend les gens du monde si délicats sur leurs amusements, c’est leur profonde oisiveté.

LUI. — Ne croyez pas cela ; ils s’agitent beaucoup.

MOI. — Comme ils ne se lassent jamais, ils ne se délassent jamais.