Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/74

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s’y prit pour détacher de lui et attacher au garde des sceaux un petit chien qui plaisait à celui-ci ?

MOI. — Je l’ignore, je le confesse.

LUI. — Tant mieux. C’est une des plus belles choses qu’on ait imaginées ; toute l’Europe en a été émerveillée, et il n’y a pas un courtisan dont elle n’ait excité l’envie. Vous qui ne manquez pas de sagacité ; voyons comment vous vous y seriez pris à sa place. Songez que Bouret était aimé de son chien ; songez que le vêtement bizarre du ministre effrayait le petit animal ; songez qu’il n’avait que huit jours pour vaincre les difficultés. Il faut connaître toutes les conditions du problème pour bien sentir le mérite de la solution. Eh bien ?

MOI. — Eh bien ! il faut que je vous avoue que dans ce genre les choses les plus faciles m’embarrasseraient.

LUI. — Écoutez (me dit-il en me frappant un petit coup sur l’épaule, car il est familier), écoutez et admirez. Il se fait faire un masque qui ressemble au garde des sceaux ; il emprunte d’un valet de chambre sa volumineuse simarre ; il se couvre le visage du masque ; il endosse la simarre. Il appelle son chien, il le caresse, il lui