Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/80

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mais petit à petit on y vient. Ingenii largitor venter.

MOI. — Il faut être pressé de faim.

LUI. — Cela se peut. Cependant, quelque fortes qu’elles vous paraissent, croyez que ceux à qui elles s’adressent sont plutôt accoutumés à les entendre que nous à les hasarder.

MOI. — Est-ce qu’il y a quelqu’un qui ait le courage d’être de votre avis ?

LUI. — Qu’appelez-vous quelqu’un ? C’est le sentiment et le langage de toute la société.

MOI. — Ceux d’entre vous qui ne sont pas de grands vauriens, doivent être de grands sots.

LUI. — Des sots, là ? Je vous jure qu’il n’y en a qu’un, c’est celui qui nous fête pour lui en imposer.

MOI. — Mais comment s’en laisse-t-on si grossièrement imposer ? Car enfin la supériorité en talents de la Dangeville et de la Clairon est décidée.

LUI. — On avale à pleine gorgée le mensonge qui nous flatte, et l’on boit goutte à goutte une vérité qui nous est amère. Et puis nous avons l’air si pénétré, si vrai !

MOI. — Il faut cependant que vous ayez péché