Ces réclamations contribuèrent certainement pour une part, d’abord à l’adoucissement du sort du prisonnier, puis à sa libération définitive. Il put reprendre ses travaux, et en 1751 paraissait le premier volume de l’ Encyclopédie.
Attaqué, avant qu’il parût, dans le Journal de Trévoux, ce premier volume n’en fit pas moins une grande sensation. Le Discours préliminaire de d’Alembert et le Prospectus, dans lequel Diderot avait résumé l’état des connaissances humaines et leur liaison, en prenant pour base l’Arbre de Bacon[1], qu’il avait notablement modifié, entretinrent pendant quelque temps de copie les journalistes. On accusa Diderot de s’être borné à copier le philosophe anglais, et on le lui reprocha comme s’il ne s’était pas lui-même avoué coupable de ce grand crime. On dut cependant reconnaître qu’il ne s’agissait plus d’une simple traduction de Chambers, mais d’une œuvre nouvelle et bien française. Clément, dans les Lettres qui ont formé le recueil intitulé : les Cinq années littéraires, disait à son correspondant : « Ce n’est point votre Chambers retourné et brodé, comme vous l’avez cru, c’est votre Chambers rectifié, enrichi de nouvelles découvertes, suppléé d’une infinité de choses qu’il laissait à désirer dans les sciences et dans les arts libéraux, et surtout dans les arts mécaniques… Ce n’est point ici l’ouvrage d’un seul, c’est celui d’une multitude de savants et d’artistes qui se sont chargés chacun de la partie qui lui convenait et dont les éditeurs n’ont presque fait que réunir les mémoires, en remplissant les vides d’une science à l’autre. Uniquement occupés de l’utilité publique, ils ne se vantent que des secours qu’ils ont empruntés de toutes parts. Manuscrits, recherches, observations communiquées par les gens de l’art et par les amateurs, bibliothèques publiques[2], cabinets particuliers, recueils, portefeuilles, tout leur a été ouvert. »
- ↑ Les Œuvres complètes de Bacon venaient seulement de paraître en Angleterre en 1740.
- ↑ Il est resté des traces de cette complaisance de l’administration non-seulement dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie où des remercîments sont adressés à M. l’abbé Sallier, garde de la bibliothèque du roi, mais dans les archives mêmes de cette bibliothèque. En effet, M. le vicomte Henri Delaborde a bien voulu nous communiquer les documents suivants, d’autant plus significatifs que, suivant lui, les prêts au dehors étaient fort rares à cette époque,
« J’ai reçu de M. de la Croix, garde des estampes de la Bibliothèque royale, l’Art de tourner du père Plumier, l’Art de fondre les statues équestres, avec le recueil des figures et pièces du métier à bas. A Paris, ce 13 aoust 1748.
« DIDEROT. »
« L’Art de tourner. Paris, 1701
« L’Art de fondre les statues équestres et celle de Louis 14, par Beaufrant, Paris, 1743.
DIDEROT. »
« M. Diderot m’a raporté l’Art de tourner, du P. Plumier, et l’Art de fondre les statues équestres. Ce 13 décembre 1748.
DE LA CROIX. »
« M. Diderot m’a raporté le Recueil de figures et pièces du métier à bas. Ce 10 juillet 1750.
« JOLY »