Page:Dierx - Œuvres complètes, Lemerre, I.djvu/19

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O femme ! Qui sachant porter un ciel en toi,
A celui qui perdait l'autre ciel, en échange
Offris tout, ta splendeur, ta tendresse et ta foi,
Plus belle sous le geste enflammé de l'archange !

O mère aux flancs féconds ! Par quelle brusque horreur,
Endormeuse sans voix, étais-tu possédée ?
Quel si livide éclair t'en fut le précurseur ?
A quoi songeais-tu donc, la paupière inondée ?

Ah ! Dans le poing crispé de Caïn endormi
Lisais-tu la réponse à ton rêve sublime ?
Devinais-tu déjà le farouche ennemi
Sur Abel faible et nu s'essayant à son crime ?

Du fond de l'avenir, Azraël, menaçant,
Te montrait-il ce fils, ayant fait l'œuvre humaine,
Qui s'enfuyait sinistre et marqué par le sang,
Un soir, loin d'un cadavre étendu dans la plaine ?

Le voyais-tu mourir longuement dans Enoch,
Rempart poussé d'un jet sous le puissant blasphème
Des maudits qui gravaient leur défi sur le roc,
Et dont la race immense est maudite elle-même ?

Ah ! Voyais-tu l'envie armant les désaccords,
Et se glissant partout comme un chacal qui rôde ?
Le fer s'ouvrant sans cesse un chemin dans les corps,
Le sol toujours fumant sous une pourpre chaude ?