L'EPERON 85
L'EPERON
L'insatiable instinct de vivre nous harcèle
Jusqu’au bout, cependant qu’à l’angoisse nouvelle
Nous marchons précédés par le nouveau souci,
Et mordus en secret sans trêve ni merci
Par l’hydre que déroule et nourrit la mémoire.
O Nature ! à la nôtre asservissant ta gloire,
Troublant par nos vils bruits tes muets entretiens,
Sans honte nous versons nos rêves dans les tiens.
Fiers de tes flancs rongés, trouant tes saintes voûtes,
Sous l’éperon fatal nous reprenons nos routes
Vers le labeur des jours ou le repos des nuits,
A travers nos remords, nos dégoûts, nos ennuis,
Nos désespoirs, hélas! nos amours, ô misère !
Qui de tout l’horizon font une fondrière,
Et plus noirs, plus stagnants que les marais croupis.
Infestent la moisson de nos futurs épis.