Page:Dieu, par Victor Hugo, 1891.djvu/123

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Allumant des blancheurs sur la cime des monts,
Et pénétrant d’un feu mystérieux les choses,
Il vient, et l’on voit l’aube à travers ses doigts roses ;
Et tout rit ; l’herbe est verte et les hommes sont doux.
L’autre surgit a, l’heure où pleurent à genoux.
Les mères et-les sœurs, Rachel, Hécube, Électre ;
Le soir monstrueux fait apparaître le spectre ;
Il sort du vaste ennui de l’ombre qui descend ;
Il arrête la sève et fait couler le sang ;
Le jardin sous ses pieds se change en ossuaire ;
De l’horreur infinie il traîne le suaire ;
Il sort pour faire faire aux ténèbres le mal ;
Morne, en l’être charnel comme en l’être aromal,
Il pénètre ; et pendant qu’à l’autre bout du monde,
Abattant les rameaux du crime qu’il émonde,
L’éblouissant Ormus met sur son front vermeil.
Cette tiare d’or qu’on-nomme le soleil,

Lui, sur l’horizon noir, sinistre, à la nuit brune,
Se dresse avec le masque horrible de la lune,
Et, jetant à tout astre un regard de côté,
Rôde, voleur de l’ombre et de l’immensité.
Grâce à lui, l’incendie éclos d’une étincelle,
Le jaguar qui dévore à jamais la gazelle,
La peste, le poison, l’épine, la noirceur,
L’âpre ciguë à qui le serpent dit : ma sœur,
Le feu qui ronge tout, l’eau sur qui tout chavire,
L’avalanche, le roc qui brise le navire,
Le vent qui brise l’arbre, étalent sous le ciel