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Page:Dieu, par Victor Hugo, 1891.djvu/202

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D’un long rugissement ainsi qu’une forêt,
Les pierres hurleraient : injuste ! injuste ! injuste !
L’arbre en convulsion, la broussaille, l’arbuste,
Se tordraient comme ceux qui sont sur un grabat ;
Et la création ne serait qu’un combat
Des monstres révoltés contre Dieu, belluaire.
S’il en était ainsi, ce monde mortuaire,
Chaos infâme en proie au furieux autan,
Ne vaudrait même pas le crachat de Satan !
S’il en était ainsi, créer serait un crime ;
Une exécration, sortirait de l’abîme,
Te dis-je, on entendrait les brutes gémissant,
Et le loup sans reproche, et le tigre innocent,
Devant les éléments cités en témoignage,
Devant l’infini triste où l’équité surnage,
Dénonçant Dieu, bourreau masqué du monstre obscur.
Alors, sur la sellette immense de l’azur,
L’horreur souffletterait cet accusé sinistre.
Quoi, le malheur pour œuvre et le mal pour ministre !
Quoi ! ployés à jamais sous un arrêt hideux,
Tant d’êtres si nombreux qu’Adam n’est rien près d’eux !
Quoi, pas de lendemain ! quoi, pas de récompense !
Quoi, l’homme seul dirait : je vivrai, car je pense !
Qu’a-t-il fait pour cela ? l’être, galérien !
Fouettés, brisés, broyés, pétrifiés, puis rien !
Se tordre ! et n’être plus, pour dernière aventure !
L’évanouissement au bout de la torture !
Le supplice, et c’est tout ! quoi, cet être vaincu,
Quoi ! cette créature innocente a vécu,
Souffert, saigné, traîné la terreur, bu la haine,