Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/314

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A la suite des galeries, et de chaque côté de la colonnade ménagée à droite et à gauche de la salle du mihrab, se trouvent deux longues cours entourées de portiques et ornées de pièces d’eau. Le vendredi et les jours de fête, ces officines supplémentaires de propreté sont ouvertes au peuple, tandis que le bassin à ablutions de la cour centrale est réservé aux gens pieux qui viennent journellement faire à la mosquée les prières réglementaires.

Le plan de la masdjed Chah est on ne peut mieux approprié au culte musulman.

La mosquée, cela devait être, diffère du temple païen. Ici point de cella où la divinité soigneusement cachée communique avec le fidèle par l’intermédiaire du prêtre ; point d’images ou de représentations humaines conduisant aisément à l’idolâtrie des esprits ignorants, doués d’une imagination trop impressionnable. Mahomet voulut au contraire faire de l’édifice religieux un lieu de réunion [djouma) accessible dans toutes ses parties. Malgré sa simplicité, ce programme de construction était d’une exécution difficile, car les Arabes, avant la venue de leur Prophète, savaient à peine bâtir ; la Kaaba, cette relique de l’antiquité ismaélite que Mahomet fut obligé d’adopter comme le sanctuaire de la nouvelle foi, suffisait à des idolâtres habitués à vivre sous la tente. Quand la prière fut imposée aux musulmans comme le plus grand des devoirs envers Dieu, ils sentirent la nécessité de construire des enceintes où leur piété trouverait à se recueillir : sous la direction de quelques architectes étrangers, probablement originaires de Byzance, ils rassemblèrent toutes les colonnes des temples païens qu’ils avaient détruits, appuyèrent sur les supports disposés autour d’une cour rectangulaire des bois de toute provenance,et parvinrent ainsi à former des galeries couvertes. Le sanctuaire proprement dit occupait une salle divisée en plusieurs travées parallèles par des rangées de colonnes. Une niche dépourvue d’autel, mais ornée de revêtements de faïence ou de marbres précieux, placée au fond de la nef centrale, sollicitait le regard et le conduisait dans la direction de la maison d’Abraham.

Près du mihrab se trouvait le menber, espèce de chaire en forme d’escalier, recouverte d’un clocheton pyramidal servant d’abat-voix.

Des portiques latéraux, réservés aux fidèles désireux de se reposer avant de se recueillir, s’étendaient sur les deux façades adjacentes à celle du sanctuaire ; de hautes plates-formes voisines de la porte d’entrée permettaient aux prêtres d’appeler cinq fois par jour les fidèles a la prière.

Voilà bien l’édifice religieux d’un peuple nomade, maison hospitalière ouverte à tous les fidèles, dans laquelle le passant trouve de l’ombre, et le voyageur de l’eau pour se rafraîchir et se purifier avant de se prosterner devant Dieu. Telle se présente la mosquée d’Amrou, bâtie au Caire l’an 21 de l’hégire. Les mêmes divisions et les mêmes caractères se retrouvent dans les mosquées d’el-IIakem et de Touloun. Mais bientôt ce type primitif, dont les Maures d’Espagne ont laissé à Cordoue un magnifique spécimen, ne paraît plus aux conquérants arabes en harmonie avec la puissance de l’Islam. Les grêles colonnes qui soutiennent la toiture ne permettent pas d’élever a une grande hauteur l’ensemble de la construction ; elles sont incapables de supporter un poids considérable et encombrent par leur multiplicité l’intérieur des salles ; la mosquée doit donc se modifier.

Il existait sur les rives du Tigre un monument célèbre dans tous les pays musulmans, bâti, suivant les traditions locales, par le grand Kosroès. C’était le superbe palais de Ctésiphon, dont la voûte se fendit (d’après la légende) le jour même de la naissance de Mahomet.

Consacrer au culte d’Allah un temple semblable au palais du grand monarque sassanide fut, au quatorzième siècle, le rêve du sultan Hassan. Dans ce but il envoya un de ses architectes en Mésopotamie avec mission d’étudier l’antique édifice ; celui-ci voyagea en Perse, fut frappé de la majesté des coupoles élevées au-dessus des monuments civils ou religieux, et, l’esprit