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Page:Dieulafoy - La Perse, la Chaldée et la Susiane.djvu/397

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attribuant à Pasargade des faits relatifs à Pasagarde. En ce cas, la tour funéraire placée auprès du takht recouvrirait les cendres de Cambyse Ier, inhumées sur le lieu même où it trouva une mort glorieuse. Le (labre iVIaderé Soleïman devra i 1 être identifié avec la sépulture de la mère ou de la femme de Cyrus, mortes toutes deux sous le règne de ce prince. Toutefois j’inclinerais à penser que Cyrus, à la mort de sa mère, Mandane, lui lit élever un tombeau dans le voisinage de celui de son mari et fit, au contraire, transporter le corps de sa femme, Cassandane, « à la «  mort de laquelle il mena grand deuil », au dire d’Hérodote, dans l’antique Pasargade, où il devait lui-même être ensevel i auprès de ses aïeux. Ainsi se vérifierait la désignation de .Maderè Soleïman, donnée par les Persans à la plaine du Polvar. Le nom de Salomon, qui revient sans cesse dans le Koran, aurait été substitué à celui de Cyrus, aujourd’hui tout à fait inconnu du peuple.

«  La tradition qui fait du gabre un tombeau de reine est si généralement adoptée dans le village, qu’hier, croyant avoir affaire à un jeune garçon, les paysannes t’auraient impitoyablement précipitée du haut en bas de l’édicule, sous le fallacieux prétexte que les hommes ne doivent pas entrer dans un tombeau de femme, si je ne les avais assaillies à coups de pierres et ne leur avais jeté, comme dernier argument, mes deux guivehs (chaussures de guenilles) à la tête.

— Quelle imprudence ! Tu t’exposais à ameuter contre toi le clan des maris !

— Les maris ! mais ils m’auraient aidé à rosser ces mégères si je les en avais priés. Pas un d’entre eux ne tolérerait qu’on regardât ces guenons ou qu’on fût simplement poli avec elles ; mais tous vous sont reconnaissants de les assommer à coups de savate. C’est une fatigue journalière qu’on leur évite. »

En résumé, les ruines que nous avons trouvées dans la plaine du Polvar, le takht, la façade de la tour carrée, les palais et le gabre, sont les derniers vestiges des monuments élevés par le grand Cyrus au sixième siècle avant notre ère. Cet âge se lit sur leurs pierres, sur leurs ornements, sur les membres les plus essentiels comme sur les détails les plus intimes de leur architecture. On ne saurait hésiter non plus à reconnaître en eux des monuments apparentés de très près aux édifices ioniens ou gréco-lyciens. Sont-ils les prototypes des monumentsélevés dans les colonies grecques de l’Asie Mineure ? Je ne le pense pas. Antérieurement a la conquête de la Lydie, les habitants du Fars n’avaient jamais eu de relation directe avec les Grecs et menaient encore une existence sauvage au moment où Cyrus substituait chez les Aryens la suprématie des Perses à celle des Mèdes.

Peut-être même l’architecte qui les construisit fut-il choisi dans l’entourage de Crésus, devenu, après la prise de Sardes, l’ami et le conseiller de son vainqueur.

5 octobre. — Après deux étapes, me voici installée dans le tchaparkhanè de Kenarè, à quelques kilomètres de la célèbre Persépolis.

En quittant Madère Soleïman, nous nous sommes engagés dans les défilés étroits du Polvar. Nous avons tout d’abord côtoyé les rives du fleuve, encombrées d’une superbe végétation de roseaux et de ginériums. Le tcharvadar bachy avait raison de vouer ce chemin aux dieux infernaux ; mais, uniquement préoccupé de questions techniques, il avait oublié de nous parler de l’aspect pittoresque des gorges. Au sortir de la partie la plus sauvage de la montagne, nous avons passé au pied d’un bas-relief sassanide grossièrement sculpté sur les parois du rocher ; puis, en arrivant sur les plateaux inférieurs, j’ai aperçu d’innombrables familles de sangliers qui venaient se désaltérer au bord du cours d’eau ; plus bas, les toufangtehis m’ont montré les lentes en poil de chèvre sous lesquelles ont élu domicile leurs confrères chargés de la garde du défilé.

Quelles fières tournures de bandits ont ces braves gens ! Comme les hommes de notre