Toutes les questions relatives à l’origine de Persépolis semblent ainsi résolues. A quelle époque doit-on faire remonter la destruction des palais ? Persépolis, assurent presque tous les historiens anciens, fut incendiée par Alexandre le (irand pendant une nuit d’orgie. D’après les récits de Plutarque, les délices de la ville royale furent funestes au roi de Macédoine : il céda à une impérieuse passion pour le vin et adopta l’usage de ces interminables festins qui se prolongeaient, chez les Perses, une semaine entière. 11 passait les nuits revêtu de la robe blanche et du diadème des princes achéménides, parlait le langage des vaincus, vivait sous la garde de jeunes gens choisis dans les premières familles du pays, et s’entourait du cortège de courtisanes que traînèrent après eux tous les conquérants de l’antiquité.
Assise à l’ombre d’une porte de l’apadâna de Xerxès, je relis, dans la Vie d’Alexandre traduite par le vieil Amyot, le récit de l’incendie de Persépolis, et, bien qu’il m’en coûte de charger d’un pareil crime la mémoire du roi de Macédoine, je suis forcée, en présence de ces pierres calcinées, de ces colonnes rongées par les flammes, de ces débris de poutres carbonisées, de me ranger à l’avis de l’historien grec.
« Et depuis, comme Alexandre se préparait pour aller encore après Darius, il se mit un jour à faire bonne chère et à se récréer en un festin où on le convia avec ses mignons, si privément, que les concubines même de ses familiers furent au banquet avec leurs amis, entre lesquelles la plus renommée était Thaïs, native du pays de l’Attique, étant l’amie de Ptolémée, qui, après le trépas d’Alexandre, fut roi d’Egypte. Cette Thaïs, partie louant Alexandre dextrement, et partie se jouant avec lui à table, s’avança de lui entamer-un propos bien convenable au naturel affété de son pays, mais bien de plus grande conséquence qu’il ne lui appartenait, disant que ce jour-là elle se sentait bien largement à son gré récompensée des travaux qu’elle avait soufferts à aller errant cà et là dans tous les pays d’Asie en suivant son armée, quand elle avait eu cette grâce et cet heur de jouer à son plaisir dans le superbe palais royal des grands rois de Perse ; mais que, encore, prendrait-elle bien plus grand plaisir à briller, par manière de passe-temps et de feu de joie, la maison de Xerxès, qui avait brûlé la ville d’Athènes, en y mettant elle-même le feu en la présence et devant les yeux d’un tel prince comme Alexandre, à cette fin que l’on put dire, aux temps à venir, que les femmes suivant son camp avaient plus magnifiquement vengé la (ircce des maux que les Perses lui avaient faits par le passé, que n’avaient jamais fait tous les capitaines grecs qui furent oncques, ni par terre, ni par mer. Elle n’eut pas sitôt achevé ce propos, que les mignons d’Alexandre y assistant se prirent incontinent à battre des mains et à mener grand bruit de joie, disant que c’était le mieux dit du monde et incitant le roi à le faire.
« Alexandre .se laissa aller à ces instigations, se jeta en pieds, et, prenant un chapeau de fleurs sur sa tète et une torche ardente en sa main, marcha lui-même le premier ; ses mignons allèrent après tout de même, criant et dansant tout à l’entour du château.
« Les autres Macédoniens qui en sentirent le vent y accoururent aussi incontinent avec torches et flambeaux tout ardents, en rang de réjouissance, parce qu’ils faisaient leur compte que cela était signe qu’Alexandre pensait de s’en retourner dans son pays, non pas faire sa demeurance entre les Barbares, puisqu’il brûlait et gâtait ainsi le château royal. Voilà comme l’on tient qu’il fut ars et brûlé : toutefois il y en a qui disent que ce ne fut pas de cette sorte en manière de jeu, mais par délibération du conseil : comment que ce soit, c’est bien chose confessée de tous, qu’il s’en repentit sur l’heure même, et qu’il commanda que l’on éteignît le feu. »
« Ainsi périt, dit à son tour Quinte-Curce, la reine de l’Orient, la capitale qui dicta des