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LA DARIATCHA(PETITE MET.),PRÈS DE CHIIIAZ.(Voyez p. 464.)


CHAPITRE XXV

Visite de Mme Fagregrine. — La morale s’accroît-elle en Perse en raison de la longueur des jupes ? — Départ de Chiraz. Le lac salé. — Arrivée à Sarvistan.

Chiraz, 24 octobre. — Le soleil s’abaissait vers l’horizon, et j’étais béatement occupée a suivre des yeux les mouvements des poissons mordorés qui se jouaient dans un bassin creusé au-devant de la maison, quand la porte du jardin s’est ouverte à deux battants devant une femme soigneusement voilée et montée sur un merveilleux âne blanc. La nouvelle venue était escortée de nombreux serviteurs, l’âne paré d’une housse de Kirmanie et d’une selle de velours bleu brodé d’argent. La favorite d’un mouchteïd ne voyagerait pas on si pompeux équipage.

Allah très grand ! comment une fidèle chiite ose-t-elle s’aventurer dans cet antre de chrétiens ? c’est à n’en pas croire mes yeux ! L’élégante khanoum saute vivement à terre, se dirige vers moi et me tend gentiment la main : «  Bonsoir, Madame », me dit-elle. Mon

étonnement est au comble : jamais depuis mon arrivée en Perse je n’ai entendu sortir un mot de français ou d’anglais des lèvres d’une femme iranienne : « Je suis Mme Fagregrine, reprend la visiteuse en levant son voile, j’ai très vivement regretté d’être absente de Chiraz quand vous êtes venue m’apporter la lettre du consul de Tauris, M. Bernay : dès mon retour de la campagne j’ai tenu à venir vous dire moi-même tout le plaisir que j’éprouvais à voir des compatriotes.

»

Mon interlocutrice est une preuve en tchader et roubandi de la difficulté qu’éprouvent les individus ou les familles privés de toute communication avec la mère patrie à résister longtemps aux influences des milieux ambiants. Son père, un Français, vint s’établir en Perse il y a une cinquantaine d’années et se maria, peu après son arrivée, avec une