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LE TIGREA AMARA.(Voyez p. 634.)


CHAPITRE XXXVII

Départ de Bagdad. — A bord du Khalife. — Arrivée à Amara. — Les chevaux de pur sang. — La colonie chrétienne d’Amara. — Une nuit de janvier dans le hor. — Les tribus nomades. — Tag Eïvan. — Imamzaddè Touïl. — Le campement de Kérim khan.


Amara, 1er janvier 1882. — Par quel souhait remplacerai-je aujourd’hui les vœux qui n’arriveront point, hélas, jusqu’à moi ? Si je pouvais bientôt revoir ma belle France ! Et cependant, avec une ténacité qui fait honneur au caractère de Marcel, nous avons formé le projet de pénétrer, coûte que coûte, en Susiane. Cette nouvelle tentative sera-t-elle plus heureuse que les précédentes ? Le début de cette expédition est bien de nature à me décourager.

Désireux de passer quelques jours à Ctésiphon avant de dire adieu à la Mésopotamie, nous sommes sortis de Bagdad dans l’après-midi du 30 décembre. On semait les orges quand nous avons traversé la campagne. Aux terres cultivées succèdent un désert et une lande couverte de buissons noueux sous lesquels s’abritent des chèvres et des moutons ; aux laboureurs, des nomades à l’œil inquiet et farouche. Bientôt apparaît le palais de Ctésiphon, s’enlevant en noir sur le fond pur du ciel. Les ombres de la nuit nous enveloppent ; au loin les chacals glapissent la lugubre retraite du désert.

Deux jours nous ont suffi pour revoir les ruines et l’emplacement de la ville sassanide, suivre les remparts de sa rivale Séleucie, faire nos dévotions au tombeau de Soleïman le Pur et nous embarquer à bord du Khalifé, superbe bateau de la compagnie Lincli, affecté au service du Tigre.

Comme le Mossoul, le Khalife a tout son avant surchargé de pèlerins. En circulant au milieu des bagages de ces pauvres hères, j’ai remarqué un tapis qui avait échappé aux griffes rapaces des prêtres de Kerbéla : une vraie merveille aux teintes délicieuses, aux dessins délicats. Je saisis le propriétaire après une de ses oraisons et lui demande le prix de son tapis. A ses prétentions il est aisé de voir que la probité commerciale du disciple de Mahomet n’est pas à la hauteur de sa fervente piété, et je le quitte. A peine rentrée dans ma cabine : toc, toc ;