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DIODORE DE SICILE.

fut initié aux mystères de Bacchus ; et comme il était aimé et honoré des Cadméens, fondateurs de Thèbes en Béotie, il avait, pour leur complaire, transporté dans leur pays la naissance de ce dieu. La multitude, soit ignorance, soit désir de faire de Bacchus un dieu grec, accueillit volontiers les mystères et les initiations dionysiaques. Pour établir cette croyance, Orphée se servit du prétexte suivant : Cadmus, qui était originaire de Thèbes en Égypte, eut, entre autres enfants, une fille nommée Sémélé. Séduite par un inconnu, elle devint enceinte, et, au bout de sept mois, mit au monde un enfant qui eut une grande ressemblance avec Osiris. Cet enfant ne vécut pas longtemps, soit que les dieux l’aient ainsi voulu, soit que ce fût là son sort naturel.

Cadmus, instruit de cet événement et conseillé par un oracle de conserver les usages de ses ancêtres, fit dorer le corps de cet enfant[1] et lui offrit des sacrifices, comme si Osiris avait voulu se montrer sous cette forme parmi les hommes. Il attribua à Jupiter la naissance de l’enfant, qu’il désignait comme étant Osiris, et sauva ainsi la réputation de sa fille déshonorée. De là vient la croyance établie chez les Grecs que Sémélé, fille de Cadmus, eut de Jupiter Osiris. Orphée, renommé chez les Grecs par son chant et par ses connaissances dans les mystères et les choses sacrées, était reçu en hospitalité par les Cadméens et fort honoré à Thèbes. Initié dans les sciences sacrées des Égyptiens, il rapporta à une époque plus récente la naissance de l’antique Osiris ; et, pour se rendre agréable aux Cadméens, il institua de nouveaux mystères où l’on apprend aux initiés que Dionysus est fils de Sémélé et de Jupiter. Les hommes, entraînés, soit par leur ignorance soit par leur foi en Orphée, et, avant tout, accueillant avec plaisir l’opinion d’après laquelle ce dieu est d’origine grecque, ont admis avec empres-

  1. Rhodomann propose, sans motif plausible, de lire ϰαθιερώσασθαι (kathierôsasthai), consacrer, au lieu de χρυσώσασθαι (chrusôsasthai), dorer, qui est dans le texte. C’était la coutume des Égyptiens de dorer les caisses contenant les corps embaumés, ainsi qu’on peut s’en assurer encore aujourd’hui par l’inspection des caisses de momies. Dorer le corps doit donc s’entendre de la dorure de la caisse contenant le corps de l’enfant.