Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/164

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Je prévois, oui ! je vois clairement que l’on conservera le souvenir de mes leçons : quelqu’un viendra qui, prenant mes discours, les dépouillera de la mesure qui les enveloppe aujourd’hui pour les revêtir de pourpre et de brillantes paroles ; il se rendra par là invincible et triomphera sans peine de tous les autres.

On dit aussi que Platon a le premier apporté à Athènes les ouvrages de Sophron le mimographe, négligés avant lui, et qu’il en a profité pour ses doctrines morales ; on assure même qu’à sa mort on les trouva sous son chevet. Il fit trois fois le voyage de Sicile : la première fois, il n’avait d’autre but que de visiter l’île et les cratères de l’Etna ; mais Denys le Tyran, fils d’Hermocrate, ayant exigé qu’il vînt s’entretenir avec lui, Platon lui parla de la tyrannie et lui dit entre autres choses que le meilleur gouvernement n’était pas celui qui ne profitait qu’à un seul homme, à moins que cet homme ne fût doué de qualités supérieures. Denys, irrité, lui dit avec colère : « Tes discours sentent le vieillard. — Et les tiens, reprit Platon, sentent le tyran. » Poussé à bout par cette réponse, Denys voulut d’abord le faire mourir ; mais, fléchi par les prières de Dion et d’Aristomène, il se contenta de le donner à Pollis, qui se trouvait alors auprès de lui en qualité d’envoyé des Lacédémoniens, afin qu’il le vendît comme esclave. Pollis le conduisit à Égine où il le vendit en effet. Mais à peine Platon fut-il à Égine, que Charmandre, fils de Charmandride, lui intenta une accusation capitale, en vertu d’une loi du pays qui ordonnait de mettre à mort le premier Athénien qui aborderait dans l’île. Cette loi avait été rendue sur la proposition de Charmandre lui-même, au dire de Phavorinus, dans les Histoires diverses. Une plaisanterie sauva Platon ; car quelqu’un ayant dit par dérision que ce