Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/504

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florissait vers la cent dixième olympiade. Il avait pour ennemi Nicocréon, tyran de Chypre. Alexandre lui ayant un jour demandé dans un festin ce qu’il pensait de l’ordonnance du repas, il répondit : « Grand roi, tout y est magnifique ; il n’y manque qu’une seule chose : la tête de certain satrape, » désignant par là Nicocréon. Celui-ci garda souvenir de l’injure, et, après la mort d’Alexandre, Anaxarque ayant été poussé par les vents contraires sur la côte de Chypre, il s’empara de lui, et le fit jeter dans un mortier, pour y être broyé à coups de masse de fer. Ce fut alors qu’Anaxarque, sans s’inquiéter du supplice, prononce ces mots célèbres : « Broie tant que tu voudras l’enveloppe d’Anaxarque, tu ne broieras pas Anaxarque. » Le tyran irrité ordonna de lui arracher la langue ; mais il se la coupa lui-même avec les dents, et la lui cracha au visage. J’ai fait sur lui ces vers :

Broyez, redoublez d’efforts, ce n’est que l’enveloppe ;
Broyez : Anaxarque est depuis longtemps auprès de Jupiter.
Et toi, bientôt tu t’entendras mander par une voix redoutable
La voix de Proserpine qui te dira : «Viens ici, exécrable bourreau. »

On l’avait surnommé l’Eudémonique, à cause de son caractère impassible et de sa tranquillité d’âme. Les orgueilleux trouvaient en lui un censeur plein de sagacité et de finesse ; par exemple il donna cette leçon indirecte à Alexandre, qui se croyait un Dieu : voyant le sang couler d’une blessure qu’il s’était faite, il le lui montra et lui dit : « C’est bien là du sang ; ce n’est pas

Cette liqueur céleste qui coule dans les veines des dieux.[1]

  1. Homère, Iliade, V, 340.