Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/526

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déclarons ces principes obscurs et n’admettons comme réelles que nos propres impressions[1]. »

« Ainsi nous reconnaissons que nous voyons ; nous savons que nous pensons ; mais comment voyons-nous ? comment pensons-nous ? nous ne le savons pas. Nous disons, comme simple expression d’un sentiment, que tel objet nous paraît blanc ; mais nous n’affirmons pas qu’il le soit réellement. Quant à l’expression : Je ne définis rien, et toutes les autres du même genre, elles n’ont dans notre bouche aucune valeur dogmatique. Il n’y a aucune analogie en effet entre cette proposition et un principe comme celui-ci : Le monde est sphérique. Dans le dernier cas on affirme une chose incertaine ; nous, au contraire, nous faisons simplement l’aveu de nos incertitudes ; en disant que nous n’affirmons rien, nous n’affirmons pas même cette dernière proposition. »

Les dogmatiques leur reprochent encore de supprimer la vie en rejetant tout ce dont elle se compose ; mais ils repoussent cette nouvelle imputation comme mensongère « Nous ne supprimons pas la vision, disent-ils, mais nous ignorons comment elle s’accomplit ; nous acceptons l’apparence, mais sans affirmer qu’elle réponde à la réalité. Nous sentons que le feu brûle, mais quant à dire qu’il est dans son essence de brûler, nous nous abstenons. Nous voyons qu’un homme est en mouvement et qu’il meurt, mais nous ignorons comment cela se fait. Nos raisonnements ne tombent que sur les conséquences incertaines que l’on tire des apparences. Lorsque l’on dit qu’une image offre des saillies, on ne fait qu’exprimer une appa-

  1. C’est-à-dire nos propres idées, sans savoir si ces idées répondent à une réalité extérieure.