Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/566

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du mouvement du soleil entre les tropiques, des éclipses et de tous les phénomènes analogues, elle est parfaitement inutile pour le bonheur. Bien plus, ceux qui, possédant cette science, ignorent la nature, les causes les plus probables des phénomènes ne sont pas plus à l’abri de la crainte que s’ils étaient dans une complète ignorance ; ils éprouvent même de plus vives terreurs ; car le trouble que jettent en eux ces connaissances ne peut trouver aucune issue, et n’est pas dissipé par une perception claire des raisons de ces phénomènes. Pour nous, nous trouvons plusieurs explications du mouvement du soleil, du coucher et du lever des astres, des éclipses et des phénomènes analogues, tout aussi bien que des phénomènes plus particuliers. Et qu’on n’aille pas croire que ce mode d’explication n’est pas suffisant pour procurer le bonheur et la tranquillité. Contentons-nous d’examiner comment s’accomplissent sous nos yeux les phénomènes analogues, et appliquons ces observations aux choses célestes et à tout ce qui n’est pas directement connu ; méprisons ceux qui ne savent pas distinguer les faits susceptibles de diverses explications de ceux qui ne peuvent être et s’expliquer que d’une seule manière ; dédaignons ces hommes qui ne savent pas, au moyen des différentes images qui résultent de la distance, rendre compte des diverses apparences des choses, qui ignorent en un mot quels sont les objets qui ne peuvent exciter en nous aucun trouble. Si donc nous savons que tel phénomène peut s’accomplir de la même manière que tel autre phénomène donné qui ne nous inspire aucune crainte, si nous savons d’un autre côté qu’il peut avoir lieu de plusieurs manières différentes, nous ne serons pas plus troublés à sa vue que si nous en connaissions la cause véritable.

Il faut songer aussi que ce qui contribue le plus à troubler l’esprit des hommes, c’est la persuasion où ils sont que les astres sont des êtres impérissables et parfaitement heureux, et que leurs propres pensées, leurs actions sont en contradiction avec la volonté de ces êtres supérieurs. Ils redoutent, abusés par des fables, une éternité de maux ; ils craignent l’insensibilité de la mort, comme si cela pouvait les intéresser. Que dis-je ? Ce ne sont pas même des croyances, mais l’irréflexion et l’aveuglement qui les gouvernent en toutes choses ; de telle sorte que, ne calculant pas leurs craintes, ils sont troublés tout autant, plus même, que s’ils avaient réellement foi dans ces vains fantômes. L’ataraxie consiste à s’affranchir de toutes ces chimères, et à garder le souvenir de tous les principes que nous