Page:Dire de l'abbé Sieyès sur la question du Veto royal, à la séance du 7 septembre 1789.djvu/4

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formation de la Loi ; elle a ſenti que ce ſeroit altérer & dénaturer même l’eſſence de la Loi, que d’y faire entrer d’autres élémens que des volontés individuelles.

La ſeule définition raiſonnable qu’on puiſſe donner de la Loi, eſt de l’appeler l’expreſſion de la volonté des Gouvernés. Les Gouvernans ne peuvent s’en emparer en tout ou en partie, ſans approcher plus ou moins du Deſpotiſme. Il ne faut pas ſouffrir un alliage auſſi dangereux dans ſes effets. Que ſi, conſidérant la perſonne du Roi ſous la qualité qui lui convient le mieux, c’eſt-à-dire, comme Chef de la Nation, comme premier Citoyen[1], vous voulez faire une exception en ſa faveur, vous vous rappellerez les belles paroles que Sa Majeſté a prononcées au milieu de vous, avant même la réunion des Ordres : moi, a-t-elle dit, qui ne ſuis qu’un avec la Nation. En effet, le Prince, le Chef de la Nation ne peut être qu’un avec elle ; ſi vous l’en ſéparez un ſeul inſtant, ſi vous lui donnez un intérêt différent, un intérêt à part, dès ce moment vous abaiſſez la Majeſté Royale ; car il eſt trop évident

  1. Le Roi eſt Citoyen de toutes les Municipalités ; il eſt ſeul premier Citoyen ; tous les autres ſont égaux. Dans l’ordre même des Pouvoirs commis, le Pouvoir exécutif n’eſt pas le premier : auſſi ce n’eſt pas à titre de Dépoſitaire de ce Pouvoir, que le Roi eſt ſupérieur à tous. Je regarde le premier Citoyen comme le Surveillant naturel, pour la Nation, du Pouvoir exécutif. J’identifie le Roi avec la Nation ; enſemble, ils font cauſe commune contre les erreurs & les entrepriſes du Miniſtère.